Lever de rideau sur la création contemporaine

Quand on parle de rideaux de scène conçus par des artistes, on pense immédiatement à celui que peignit Picasso en 1917 pour le ballet Parade (dont l’affiche réunissait Cocteau pour le livret, Satie pour la musique, Diaghilev pour la chorégraphie). Ou bien au rideau de la Comédie-Française signé par Olivier Debré. Cet élément scénique, toile plissée ou tendue qui masque le décor, dont l’apparition remonte à l’Antiquité, accompagne l’histoire du théâtre – Brecht instaura pour ses pièces un rideau blanc de petite taille rythmant ses pièces en succession de tableaux – autant que celle de l’art. En 1967, Martin Barré dessine le projet de l’immense rideau d’avant-scène de la Maison de la culture de Grenoble, inaugurée l’année suivante par André Malraux, et dont on a perdu la trace…

En passant commande à la plasticienne Marie-Claire Messouma Manlanbien d’un monumental rideau d’avant-scène destiné à habiller la plus grande salle du Beffroi, la Ville de Montrouge, qui souhaite s’engager pour le soutien à la création émergente, s’inscrit dans cette tradition. Imprimé sur du velours et constitué de deux pans, cette somptueuse composition textile sera exposée jusqu’au au 10 septembre au Palais de Tokyo, à l’occasion de l’exposition personnelle de la plasticienne. Elle prendra ensuite place au Beffroi de Montrouge. Une façon, aussi, d’intégrer l’art contemporain au sein d’un bâtiment historique. Dans ses Écrits sur le théâtre, Roland Barthes, soulignant la symétrie entre la peinture et la scène, avec ses effets de perspective et son éclairage, relevait : « C’est cette illusion proprement picturale que le rideau vient parfaire. Souvent peint lui-même, il est la surface d’une illusion exactement cadrée : il est chargé de révéler le décor à la fois comme une apparition magique et comme une œuvre d’art. ».