Une place de marché dynamique

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 13 avril 2010 - 958 mots

Les amateurs d’art sont nombreux en Belgique. Bruxelles apparaît comme une place attirante à la fois pour les maisons de ventes aux enchères et les marchands.

Historiquement
Très collectionneur, le Belge s’intéresse à beaucoup de domaines artistiques, qu’ils soient classiques ou contemporains. On a même l’habitude de dire que la Belgique compte le plus grand nombre de collectionneurs au mètre carré. Située au carrefour de l’Europe, Bruxelles apparaît comme une place idéale pour courtiser ce marché d’amateurs d’art. Plus ou moins spécialisées dans des niches de collection, une quinzaine de maisons de ventes aux enchères locales y sont actives, tandis que les auctioneers (Sotheby’s, Christie’s, Dorotheum…) ont depuis longtemps installé un bureau de représentation pour encourager l’export. Depuis quatre ans, la maison française Pierre Bergé & associés (PBA) a quelque peu changé le paysage bruxellois des enchères, en rachetant, sur la place du Grand-Sablon, la Salle des beaux-arts.

Elle a développé en quelques années ce prestigieux hôtel des ventes (l’ancien hôtel des princes de Masmines), devenant ainsi le premier opérateur des ventes publiques en Belgique, loin devant toute autre enseigne.

Chiffre d’affaires en hausse
Lors de son implantation en 2006, PBA Belgique réalisait moins de 10 millions d’euros de produit de ventes. Pour l’année 2009, son activité a grimpé à 26 millions d’euros, montant dépassant même son chiffre d’affaires à Paris (hors vente de la collection Bergé-Saint Laurent). « 2009 a été plus propice à Bruxelles qu’à Paris. Mais nous n’avons pas la volonté de nous développer plus en Belgique qu’en France, explique Frédéric Chambre, coprésident de PBA.

Nous avons orchestré une stratégie logique de développement par départementalisation, de façon à ce que les deux maisons de ventes ne se fassent pas concurrence. » Ainsi pour l’art du XXe siècle (art moderne et contemporain, arts décoratifs et design), l’ancrage s’est fait à Bruxelles, de même que pour la Haute-Époque et les arts premiers. « Seul le département mobilier-objets d’art est bicéphale, précise Grégoire Debuire, commissaire-priseur de PBA à Bruxelles.

Les collectionneurs belges apportent une vraie dynamique au marché de l’art. Sur l’ensemble de nos ventes bruxelloises, nous avons en moyenne un tiers d’acheteurs belges pour deux tiers d’adjudicataires internationaux. Derrière ces derniers, il y a souvent un sous-enchérisseur belge. Et dans une spécialité comme le design scandinave, plus de la moitié des acheteurs sont belges. » « Il existe un vrai marché de l’art à travers les ventes publiques et je crois que les Belges sont fiers de vendre et d’acheter chez eux, souligne Frédéric Chambre. Il y a encore un fort potentiel de développement pour nous à Bruxelles, notamment en Flandres où la clientèle est plus longue à capter, davantage habituée aux structures anglo-saxonnes. »

Les galeristes ont également une carte à jouer à Bruxelles. Mais le marché ayant beaucoup évolué, « comme dans beaucoup de villes, les gens visitent de moins en moins les galeries et se limitent aux foires et salons. D’où l’importance des rendez-vous comme la Brafa [Brussels Antiques and Fine Arts Fair], Art Brussels et Eurantica », lance Patrick Derom, président de la Chambre royale des antiquaires et des négociants en œuvres d’art de Belgique.

Plusieurs marchands bruxellois ont ainsi fait le choix de poursuivre leur activité en appartement, comme le spécialiste en orfèvrerie ancienne européenne Bernard de Leye, président de la Brafa. « Je n’ai plus de galerie depuis cinq ans. La galerie, c’est un peu l’orgueil de l’antiquaire, indique-t-il. Mais cela a un coût (rémunération du personnel, obligation de présence…) qui, dans mon cas, ne se justifiait pas.

Car je n’ai pas une clientèle de passage et les achats coup de cœur ne portent généralement pas sur les objets que je présente. Je reçois mes clients chez moi sur rendez-vous, organise une exposition annuelle de mes nouvelles acquisitions et compte sur une foire comme Brafa pour rencontrer de nouveaux clients. » « Les foires internationales nous font connaître. Elles nous amènent de nouveaux acheteurs, acquiesce Yves Macaux, spécialiste de la Sécession viennoise. Je suis installé à Bruxelles pour des raisons historiques et familiales, mais ma clientèle n’est pas belge. » Aussi l’antiquaire ne reçoit-il que sur rendez-vous.

Certains secteurs échappent cependant à ce phénomène de désertification des galeries : celui de l’art contemporain pour lequel on a vu au contraire le tissu des professionnels s’étoffer à Bruxelles, celui du design et le domaine des arts premiers. Son maillage a toujours été très fort dans la capitale belge, autour de la place du Grand-Sablon où se déroule chaque année la foire Bruneaf (lire encadré) qui a servi de modèle au Parcours des mondes parisien. Ce marché fort a d’ailleurs poussé, il y a des années, la maison de ventes allemande Lempertz à délocaliser à Bruxelles ses ventes d’arts primitifs et d’art précolombien.

Bruneaf en fête

Créée au milieu des années 1980, autour d’un noyau de cinq à six galeries bruxelloises d’arts premiers du quartier du Grand-Sablon, Bruneaf (Brussels Non European Art Fair) a commencé à prendre de l’envergure en 1991 avec dix-sept participants et l’édition d’un premier catalogue. Cinq ans plus tard, les galeries étrangères sont de la fête. En 2004, la BAAF (Brussels Ancient Art Fair), spécialisée dans les antiquités, vient grossir les rangs de la manifestation, suivie l’année suivante de la BOAFair (Brussels Oriental Art Fair) axée sur les arts orientaux. En 2010, c’est sous la présidence de Pierre Loos, fondateur de la foire d’arts primitifs, que l’aventure se poursuit, toujours en association avec BAAF et BOAFair pour un ménage à trois consolidé.

Deux événements viendront renforcer l’édition de 2010 : la publication du XXe catalogue de Bruneaf et le 50e anniversaire de l’indépendance du Congo, en partenariat avec le Palais des beaux-arts de Bruxelles et le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren.
Bruneaf XX, du 9 au 13 juin, www.bruneaf.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°323 du 16 avril 2010, avec le titre suivant : Une place de marché dynamique

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