Australie - Justice - Musée

Un musée australien condamné pour discrimination masculine

Par Marion Krauze · lejournaldesarts.fr

Le 15 avril 2024 - 526 mots

HOBART / AUSTRALIE

L’installation controversée du MONA, interdite aux hommes, rappelle que les pubs ont longtemps été interdits aux femmes.

Kirsha Kaechele, Ladies Lounge, 2024, vue de l'installation au Museum of Old and New Art (MONA) en Tasmanie, Australie. © MONA
Kirsha Kaechele, Ladies Lounge, 2024, vue de l'installation au Museum of Old and New Art (MONA) en Tasmanie, Australie.
© MONA

Le Museum of Old and New Art (MONA) de Hobart (Tasmanie) a été condamné pour discrimination. Le tribunal a statué, mardi 9 avril, que le musée australien devait autoriser les hommes à accéder à son installation artistique Ladies Lounge, et ce dans un délai de vingt-huit jours. L’expérience immersive, strictement réservée aux femmes, a été pensée par l’artiste Kirsha Kaechele (née en 1976) comme un espace qui inverse la pratique d’exclusion des femmes de certains lieux dans l’histoire.

L’action en justice a été intentée contre le musée par Jason Lau, un résident de la Nouvelle-Galles du Sud, après qu’il s’est vu refuser l’entrée au Ladies Lounge lors de sa visite au MONA en avril 2023.  « Quiconque achète un billet s'attend à une fourniture équitable de biens et de services » avait-il alors affirmé, soulignant que le musée ne l’avait pas informé au préalable que le billet ne lui autorisait pas l’accès à cet espace. Selon lui, cette interdiction constitue une violation de la loi anti-discrimination de Tasmanie.

Kirsha Kaechele et le MONA reconnaissent la dimension discriminatoire de l’expérience, mais soutiennent que cette même loi autorise la discrimination « si elle favorise les chances d’un groupe autrement désavantagé ». L’artiste et conservatrice américaine, qui est aussi la femme du propriétaire du musée, affirme que Ladies Lounge rend justice aux femmes privées de leurs droits. L’œuvre est conçue comme une inversion des codes des anciens pubs australiens qui, jusqu’en 1965, étaient interdits aux femmes. « Je pense que l’interdiction des hommes est une partie très importante de l’œuvre d’art » explique-t-elle. L’installation, créée en 2020, est un salon privé de 45 m² dissimulé au public par un rideau et surveillé par un vigile. Les femmes y sont accueillies avec du champagne et peuvent y admirer certaines des œuvres les plus importantes du musée, parmi lesquelles celles de Pablo Picasso, Sidney Nolan (1917-1992) ainsi que des antiquités mésopotamiennes et africaines.

Richard Grueber, vice-président du tribunal, a toutefois considéré que l’œuvre n’agissait pas en faveur de l’égalité des chances, qualifiant les arguments du musée d’« incohérents » et ajoutant qu’« empêcher les hommes de découvrir l’art dans l’espace du Ladies Lounge ne favorise pas la possibilité pour les femmes artistes d’exposer leurs œuvres ».

Kirsha Kaechele a indiqué à la BBC en mars dernier qu’elle porterait l’affaire devant la Cour suprême si nécessaire. Le musée a annoncé préférer fermer l’installation plutôt que de l’ouvrir aux hommes, puisque ce serait contraire au message même de l’œuvre. À l’issue de l’audience, un porte-parole du MONA a déclaré que l’institution prenait du temps pour « digérer le résultat » et « réfléchir à ses options ».

Le Museum of Old and New Art est un musée privé situé sur l’île d’Hobart en Tasmanie. Creusé dans la colline, il s’étend sur trois étages souterrains avec 6 000 m² d’espace d’exposition. Il a été fondé en 2011 par le milliardaire David Walsh pour accueillir sa singulière collection d’art ancien et contemporain. Elle compte plus de 2 000 œuvres réunies autour des thématiques de la mort, de la scatologie et du sexe, dont des œuvres d’Anselm Kiefer, de Wim Delvoye et de Damien Hirst.

Le MONA à Hobart en Tasmanie © Photo Barrylb, 2011 - CC0 1.0
Le MONA à Hobart en Tasmanie.
© Barrylb, 2011

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