Faux - Justice

Trafic de faux meubles : Bill Pallot en correctionnel

Par Louise Wagon · lejournaldesarts.fr

Le 17 novembre 2023 - 677 mots

PARIS

L’expert comparaîtra devant la justice pour la vente de faux meubles et le marchand Laurent Kramer pour négligence.  

Bill Pallot - Copyright photo Benoît Linero / L'Œil
Bill Pallot, 2006
© Benoît Linero / L'Œil

Le parquet de Pontoise a décidé, lundi 13 novembre, de renvoyer en correctionnelle l’expert Bill Pallot, de la galerie Aaron, qui avait reconnu la fabrication de faux meubles d’époque vendus au château de Versailles entre 2008 et 2014. Bill Pallot, 59 ans, était alors considéré comme le spécialiste français incontesté du mobilier royal du XVIIIe. Il a d’ailleurs écrit l’ouvrage de référence mondial sur le sujet. A ses côtés, Bruno Desnoues, l’un des meilleurs artisans de France du Faubourg Saint-Antoine et ébéniste. 

A partir de 2008, le duo produit et vend des faux sièges, présentés comme de rarissimes meubles d’époque qui auraient orné le salon de Madame du Barry, la favorite de Louis XV, et le cabinet de la reine Marie-Antoinette. Ces faux meubles ont été achetés par des galeries qui les ont ensuite revendues à des clients prestigieux, à l’instar d’un prince qatari ou du château de Versailles. 

Pendant des années, malgré quelques alertes, le subterfuge passe globalement « comme une lettre à la poste », reconnaît Bill Pallot devant le juge d’instruction, rapporte l’AFP. Leur chute est survenue en 2014, lorsqu’un signalement de Tracfin, un service de renseignement, conduit à l’ouverture d’une enquête sur un « système organisé de fabrication et de recel de faux meubles du XVIIIe siècle » par le parquet de Pontoise. 

Le scandale a éclaté en 2016 lorsque Le Journal des Arts révèle que Bill Pallot, placé en garde à vue par des agents de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), a reconnu avoir vendu des faux réalisés par Bruno Desnoues. 

Dans la foulée, la ministre de la Culture annonce l’ouverture « sans délai d’une inspection administrative » au château de Versailles, portant sur l’acquisition de mobilier « entre 2008 et 2012, d’une valeur de 2,7 millions d’euros ». En effet, sur cinq lots présumés faux, quatre ont été achetés par Versailles : deux ployants Foliot de la galerie Didier Aaron en 2012, une chaise Jacob acquise en 2011 chez Sotheby’s, une bergère dite de Madame Elisabeth achetée en 2011 à la maison de vente Thierry de Maigret et deux chaises de Louis Delanois achetées à la galerie Kraemer en 2008. Le cinquième lot, deux chaises prétendument commandées par Marie-Antoinette pour le Belvédère du Petit Trianon, avait été refusé par Versailles. Mais, l’État les avait quand même classées trésor national en 2013, tandis qu’elles étaient vendues pour deux millions d’euros à un collectionneur de Londres par la galerie Kraemer. La galerie Kraemer a finalement remboursé l’acheteur en 2015. 

Dans un rapport, rendu l’année suivante et versé à l’instruction, l’administration y dénonçait « des dysfonctionnements » et un « défaut de vigilance » de la part de l’établissement public et l’invitait à « réviser dans les meilleurs délais et en profondeur » ses procédures.

Après sept ans de procédure, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu pour un expert de l’art réputé qui faisait le lien entre Bill Pallot et les galeries, ainsi que le doreur de l’atelier Bruno Desnoues, Joël Loinard. Il a estimé qu’ils avaient été abusés par la notoriété de l’expert. 

En revanche, le juge a renvoyé devant le tribunal la galerie d’antiquaires Kraemer et l’un des frères qui la dirige, Laurent Kramer, qui avait déjà été mis en examen en même temps que Bill Pallot avant d’être libéré sous caution. Le juge a abandonné l’accusation initiale d’escroquerie en bande organisée et reconnu que les Kraemer « n’étaient pas de connivence » avec les faussaires, mais il leur reproche de « ne pas avoir procédé à des vérifications suffisamment poussées » sur les meubles incriminés et les poursuit pour « tromperie par négligence »

« La galerie Kramer a été trompée, et avec elle les plus grands experts français des meubles XVIIIe », s’insurge auprès du Journal des Arts leurs avocats Mauricia Courrégé et Martin Reynaud. « Nous attendons l’audience avec impatience pour démontrer que les Kraemer n’ont aucune autre place dans ce dossier que celle de victimes », poursuivent-ils en dénonçant des « charges [qui] n’ont fait que fondre comme neige au soleil » depuis la première audition de Laurent Kraemer.  
 

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