Italie - Archéologie - Grands sites

Nouvelles découvertes à Pompéi

POMPÉI / ITALIE

La phase d’urgence de sauvetage du site est achevée. Le parc fait l’objet d’une des plus importantes campagnes de fouille jamais menées depuis les années 1950, permettant des découvertes extraordinaires.

Fresque de la fuite de Phrixos sur le bélier à la Toison d'or. © Parc archéologique de Pompéi
Fresque de la fuite de Phrixos sur le bélier à la Toison d'or.
© Parc archéologique de Pompéi

Pompéi. « Pompéi ne cesse jamais de nous éblouir, c’est un écrin qui révèle toujours de nouveaux trésors ! » Un commentaire de rigueur pour le ministre de la Culture italien Gennaro Sangiuliano, quelle que soit la valeur artistique ou archéologique des découvertes. Il s’applique cette fois parfaitement à la découverte annoncée le 1er mars par le directeur du site, Gabriel Zuchtriegel. Les fouilles de la maison de Léda, l’une des demeures de la cité antique détruite et ensevelie sous les cendres en l’an 79 par l’éruption du Vésuve, émerveillent les archéologues. Ils ont ainsi mis au jour plusieurs fresques d’une extraordinaire fraîcheur dont certaines se présentent comme un tableau avec son cadre sur un mur ceint orné de délicates décorations. La plus remarquable d’entre elles représente la scène mythologique de la fuite sur le bélier à la Toison d’or de Phrixos et sa jumelle Hellé devant leur belle-mère Ino [voir ill.]. Les autres figurent des natures mortes et des portraits de femmes, notamment en médaillon.

Des décors très raffinés

Alors que des opérations de nettoyage des fresques sont en cours pour les consolider avant de passer à la phase de restauration, les archéologues ont découvert deux autres domus à proximité de la maison de Léda. Cette maison dont ils cherchent à établir le plan précis est sans conteste celle au décor le plus raffiné. Retrouvée en 2018, son nom lui a été attribué en raison d’une magnifique fresque représentant Léda et le Cygne [voir ill. ci-dessous]. Une découverte tardive en raison de sa localisation : la zone 5 (au nord de la ville) n’avait pu être fouillée plus tôt pour des raisons de financement. Un obstacle qui n’est plus d’actualité. Il s’agit d’un « moment crucial » pour Pompéi, s’est félicité le directeur de son parc archéologique, Gabriel Zuchtriegel, en faisant le point sur les travaux de restauration et de fouille de la maison de Léda. Ceux-ci anticipent le début d’une nouvelle et grandiose phase de travaux.

Fresque représentant Léda et le cygne. © Parc archéologique de Pompéi
Fresque représentant Léda et le cygne.
© Parc archéologique de Pompéi

Il y a une décennie, ce n’étaient pas les décorations des murs des domus mais leur effondrement qui faisait la « une » des médias. Le parc archéologique souffrait d’un manque criant d’entretien. Le 6 novembre 2010 à l’aube, la caserne des gladiateurs (Ludus Magnus) s’écroule, suscitant l’indignation du monde entier et la prise de conscience de la nécessité d’une intervention urgente. Le « Grand Projet Pompéi » est alors lancé en 2012. Un vaste plan de 105 millions d’euros financé à 75 % par l’Union européenne pour sécuriser le site, se doublant d’une relance des campagnes de fouille. Il est confié à son dynamique directeur de 2014 à 2020, Massimo Osanna, placé à la tête d’une équipe permanente de 50 spécialistes – archéologues, restaurateurs, architectes, ingénieurs, géologues, vulcanologues et paléo-botanistes. « Pompéi a représenté pendant trop longtemps la métaphore d’une Italie gangrenée par la corruption, incapable de défendre et de valoriser son extraordinaire patrimoine », déplorait ce dernier en prenant ses fonctions.

Une fréquentation en hausse de 30 % en 2023

Son successeur, Gabriel Zuchtriegel, se félicite désormais de diriger un site devenu le symbole d’une gestion exemplaire du patrimoine archéologique italien. Les annonces de découvertes retentissantes ne cessent de se multiplier. La dernière en date remonte au début du mois de décembre 2023. Il s’agit d’une sorte de « boulangerie-prison » où ânes et esclaves travaillaient côte à côte pour produire du pain dans des conditions inhumaines. « Après les années de sécurisation du site dans le cadre du Grand Projet, nous entrons dorénavant dans une phase dans laquelle nous devons naviguer vers de nouveaux horizons, explique Gabriel Zuchtriegel. Notre travail est fondé sur une approche urbanistique, appliquée à une ville archéologique. Nous œuvrons à une sorte de régénération archéo-urbaine qui élargit le regard, nous passons de problématiques purement archéologiques et de conservation à une vision urbaine et socioculturelle. »

L’accessibilité, la valorisation des espaces verts, des nouvelles infrastructures qui contribueront à « moderniser » les ruines de la ville figées depuis 2000 ans figurent parmi ses priorités. Les services pour l’accueil du public ont ainsi été nettement améliorés tout comme les liaisons pour rejoindre le site qui a connu une affluence en 2023 de plus de 4 millions de visiteurs, un chiffre en hausse de 30 % sur un an. Un record qui lui fait dépasser la fréquentation d’avant la pandémie et qui hisse Pompéi au rang de deuxième site touristique le plus visité d’Italie après le Colisée de Rome. De nouveaux pôles d’expositions sont en cours de réalisation tandis que de nouveaux dépôts pour conserver les vestiges ouvriront à Porta Nola, Stabia et Torre Annunziata. « Nous devons effacer les frontières rigides entre la cité antique et la ville moderne », prône Gabriel Zuchtriegel, qui envisage le parc archéologique comme « un élément central et non isolé du territoire qui l’entoure ».

Investissements massifs

Le site bénéficiera entre 2024 et 2026 d’investissements de plus de 100 millions d’euros, dont 25 millions d’euros déjà prévus pour sa gestion ordinaire. Actuellement, 28 chantiers sont ouverts sur le site d’une superficie de 22 ha environ. Les estimations varient, mais 15 à 25 % de la ville antique seraient encore enfouis. Onze autres chantiers sont sur le point d’être lancés et d’autres sont à l’étude. Parmi ceux-ci, neuf sont de véritables fouilles stratigraphiques destinées pour la plupart d’entre elles à améliorer les conditions de conservation et de protection du patrimoine déjà mis au jour. L’ensemble de la zone de fouille couvre désormais plus de 9 000 mètres carrés au total, une surface jamais atteinte depuis les grandes campagnes des années 1950. Nombre d’archéologues commencent pourtant à soulever la question de l’utilité à multiplier les chantiers de fouille. Ils se préoccupent moins de savoir ce qu’il reste à découvrir que des moyens à mettre en œuvre pour préserver ce qui a déjà été découvert. En attendant de recevoir une réponse, le site tant de fois célébré par les ministres de la Culture italiens successifs révélera très prochainement de nouveaux trésors.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : Nouvelles découvertes à Pompéi

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