Polémique

Lévêque refusé chez Disney

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 20 octobre 2006 - 481 mots

Sa pièce, jugée irresponsable, a été écartée de l’exposition du Grand Palais.

PARIS - Les œuvres subversives détournant l’imagerie de Disney avaient-elles réellement leur place dans l’exposition « Il était une fois Walt Disney, aux sources de l’art des studios Disney », qui se tient jusqu’au 15 janvier au Grand Palais à Paris (1) ? L’artiste Claude Lévêque s’est ainsi vu refuser l’une de ses pièces par les organisateurs, qui l’avaient pourtant eux-mêmes sollicitée dans un courrier en date du 24 juin 2005. Motif invoqué : le manque de place, ce qui paraît pour le moins surprenant dans l’un des plus vastes lieux d’exposition de la capitale. Ne serait-ce pas plutôt le message de l’œuvre qui a fait reculer les commissaires ? Intitulée Mickey et Arbeit macht frei [Le travail rend libre] et appartenant depuis peu aux collections du Mudam (Musée d’art moderne Grand-Duc Jean) à Luxembourg, elle associe un Mickey en tubes de néon et une enseigne reprenant le texte inscrit à l’entrée du camp de concentration d’Auschwitz.
Exposée pour la première fois en 1992 à la Galerie de Paris, cette pièce a, par la suite, suscité la polémique lors d’une exposition collective présentée à Albi (Tarn) puis à Dole (Jura). Accusé de révisionnisme, Claude Lévêque a alors expliqué sa démarche dans un texte de mise en garde : « J’ai déterminé une relation entre ces deux symboles de notre histoire contemporaine, parce que notre mémoire, sur des faits de société particulièrement atroces, est mise en péril par la surconsommation quotidienne d’images, de jeux et de loisirs, qui nous rend amnésiques et brouille notre discernement. » Dominique Païni, commissaire de la salle contemporaine de l’exposition, se défend pourtant de tout acte de censure. « Cette pièce ne m’a pas plu personnellement, donc je ne l’ai pas retenue. Je l’ai trouvée idéologiquement douteuse, car elle fait un amalgame entre l’empire visuel Disney et la référence concentrationnaire de la Shoa. Or l’essentiel de cette imagerie a été créé par des artistes de confession juive ayant fui l’Allemagne nazie. J’ai donc trouvé cette pièce très irresponsable. » L’ancien directeur de la Fondation Maeght dément avoir subi une quelconque pression de la part de l’entreprise Disney ou même de la Réunion des musées nationaux (RMN). Pourtant, plusieurs observateurs nous ont confirmé, sous couvert de l’anonymat, l’interventionnisme du directeur de la communication de Disney. Selon nos informations, un autre artiste aurait ainsi été incité, par le commissariat général de l’exposition, à atténuer sa proposition. Pour Dominique Païni, la salle d’art contemporain est toutefois suffisamment « dérangeante et libératrice » par la présence d’œuvres de Valérie Sonnier, Peter Saul, David Mach ou Frédérique Loutz . Et si l’on s’étonne que l’engagement maccarthyste de Walt Disney n’y soit pas évoqué, Dominique Païni s’en justifie simplement : « Il n’existe aucune œuvre contemporaine sur ce sujet. »

(1) lire le JdA no 244, 6 octobre 2006, p. 9.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°245 du 20 octobre 2006, avec le titre suivant : Lévêque refusé chez Disney

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