Justice

Les archives Modigliani mises sous séquestre dans un port franc de Genève

Par Olivier Tosseri, correspondant à Rome · lejournaldesarts.fr

Le 9 juillet 2020 - 616 mots

GENÈVE / SUISSE

Un livre publié en récemment en Italie raconte l’histoire des archives de l’artiste italien le plus copié du siècle dernier. 

Amedeo Modigliani (1884-1920) et Jeanne Hébuterne (1898-1920) photographiés en 1915 ou 1916 par le marchand et collectionneur Paul Guillaume dans l'atelier parisien de Modigliani
Amedeo Modigliani (1884-1920) et Jeanne Hébuterne (1898-1920) photographiés en 1915 ou 1916 par le marchand et collectionneur Paul Guillaume dans l'atelier parisien de Modigliani

2020 est l’année du centenaire de la mort d’Amedeo Modigliani. Un anniversaire qui est un peu passé inaperçu en Italie. Mais depuis quelques années ce n’est pas tant l’œuvre du plus célèbre des livournais qui fait l’actualité, que ses archives. Elles se composent de plus de 6 000 documents rassemblés dans deux caisses de 257 kg entreposées dans un port franc de Genève. 

Ils ont été mis sous séquestre en mai dernier par le parquet de Bellinzona dans le canton italophone du Tessin. « Ces archives qui ont été indûment soustraites à l’Etat italien sont placées entre des mains sûres. Elles doivent faire leur retour à Livourne ville natale de Modigliani ». Le criminologue Claudio Loiodice se félicite de cet énième épisode de « L’Affaire Modigliani ». C’est le titre du livre enquête publié en octobre dernier qu’il a écrit avec la journaliste Dania Mondini. 

L’ouvrage retrace les péripéties de ces archives qui avaient été cédées en 2006 au gouvernement italien par la petite-fille et héritière de l’artiste Laure Nechtschein. Elles ne viendront pourtant jamais enrichir le patrimoine national transalpin. Christian Parisot, fort de trois documents rédigés en 1974 et 1982 par Jeanne Modigliani, la fille du peintre, s’est fait attribuer « la gestion de tous les documents, manuscrits et photographies, jusqu'alors recueillis et conservés, afin de promouvoir la diffusion des oeuvres de son père ». Christian Parisot, président de l’Institut Amedeo Modigliani, grâce notamment aux tampons permettant d'authentifier les éventuelles reproductions, n’a cessé depuis de défrayer la chronique judiciaire. Ses attributions douteuses ont conforté la réputation peu enviable d’un artiste parmi les plus copiés du XXème siècle et dont la cote a décuplé ces dernières décennies. 

Dans leur livre, Claudio Loiodice et Dania Mondini apportent les preuves de la falsification, parfois grossière, des documents exhibés par Christian Parisot. Ils retracent donc le périple des archives qui arrivent entre les mains de la marchande d’art Maria Stellina Marescalchi en 2015. Cette ancienne amie de Parisot assure les lui avoir achetées pour la somme de 280 000 euros tandis que ce dernier prétend qu’il s’agissait d’un simple prêt. Les archives prennent en tout cas la direction de New York pour être vendues par l’intermédiaire du marchand d’art Glenn Horowitz pour 4,6 millions de dollars. Une tentative qui se solde par un échec. Les 6 000 précieux documents retraversent l’Atlantique début 2019 pour finir dans un port franc de Genève. 

Sur la base de cet ouvrage la sénatrice du M5S (le mouvement Cinq étoiles) Margherita Corrado a exigé au cours d’une enquête parlementaire il y a quelques semaines que le ministre de la Culture Dario Franceschini ouvre une enquête et fasse en sorte que les précieuses archives soient rapatriées. Une  demande restée sans suite. « Christian Parisot jouit de toute évidence de soutiens parmi de hauts dirigeants toujours en poste au MIBACT [le ministère de la culture], estime Claudio Loiodice. Suite à la publication de notre livre le parquet d’Asti (Piémont) s’est saisi de l’affaire mais l’instruction n’a pas encore abouti. Nous avons pu observer que les archives dans le port franc de Genève comportent de nombreuses photographies, lettres, journaux intimes de toute première importance. Il y a certains faux également. Nous avons également retrouvé un autre lieu en Italie avec de nombreux catalogues et articles de presse de l’époque indispensables pour authentifier les œuvres »

Pour les auteurs de L’Affaire Modigliani, soit les autorités suisses rendent les archives à l’Italie, soit elles les restituent à Christian Parisot qui a porté plainte contre Maria Stellina Marescalchi et veut toujours faire valoir ses droits. « Ce serait dramatique car les archives disparaîtraient pour de bon » s’inquiète Claudio Loiodice.
 

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