Justice

La curieuse défense de Daniel Druet

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 25 mai 2022 - 359 mots

Mais pourquoi donc le fabricant des célèbres sculptures de Maurizio Cattelan demande-t-il à être le seul auteur des statues de Jean Paul II ou Hitler qui ont fait la réputation de l’artiste italien ? C’est l’une des questions qui a été posée lors de l’audience du 13 mai dernier, aboutissement d’une procédure qui a démarré en 2018, soit douze ans après la fin de leur collaboration.

Daniel Druet a en effet réalisé de 1999 à 2006, neuf sculptures pour le compte de Cattelan. Les a-t-il simplement exécutées sous les directives très précises de Cattelan, comme le soutien l’artiste, son galeriste Emmanuel Perrotin et la Monnaie de Paris qui lui a consacré une exposition, ou ces statues sont-elles marquées de son empreinte, ce qui pourrait lui assurer une forme de paternité sur elles ? Mais sans pour autant lui accorder toute la paternité, ce qui reviendrait à dénier à Cattelan toute contribution créative.

Et si l’affaire ne vient à la barre que quatre ans après l’assignation, c’est que Daniel Druet a commencé par assigner le galeriste seul, avant de comprendre qu’il fallait aussi poursuivre l’artiste dans les bonnes règles. Daniel Druet (80 ans, Grand Prix de Rome en 1968 quand le prix existait encore) a longtemps été le sculpteur du Musée Grévin. On serait d’ailleurs curieux de connaître la nature du lien contractuel entre le Musée Grévin et Druet : ce dernier est-il l’« auteur » des statues de personnages célèbres ?

Daniel Druet s’est placé sur le terrain du droit moral pour réclamer 4 millions de dommages et intérêts aux défendeurs. L’affaire est suivie attentivement par le milieu de l’art contemporain qui s’est même fendu d’une tribune dans Le Monde. De plus en plus de sculptures et installations sont produites par des ateliers sous la conduite d’un artiste. Le combat judiciaire promet d’être long, la décision de la 3e chambre – spécialisée dans la propriété intellectuelle – est attendue pour le 8 juillet. Et si le tribunal ne se prononce que sur la paternité exclusive de Druet, il faudra lire soigneusement les attendus pour avoir une idée d’une éventuelle co-paternité. Quelle que soit, la décision il y aura de nombreuses voies de recours.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : La curieuse défense de Daniel Druet

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