Diplomatie culturelle

Ambassadeur et délégué interministériel pour la Méditerranée

Karim Amellal, l’atout de Macron pour la Méditerranée

« Soutenir et promouvoir la politique méditerranéenne de la France »

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2023 - 1369 mots

Depuis 2020, Karim Amellal tente de tisser des liens durables entre la France et les pays du pourtour méditerranéen à travers des forums, des aides à la traduction ou à la création d’entreprises.

Karim Amellal. © Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
Karim Amellal.
© Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

Après un parcours professionnel d’enseignant, d’entrepreneur et d’écrivain, Karim Amellal (né en 1978) a été nommé ambassadeur pour la Méditerranée en juillet 2020. Il fait ici le point sur sa mission diplomatique au sein de ce territoire transnational traversé par les enjeux géopolitiques actuels et l’implication de la France dans des projets culturels fondés sur la coopération des États méditerranéens, dont la préparation d’une « Saison culturelle Méditerranée » en 2026.

Quel est le périmètre de votre fonction au point de vue géographique ?

Le périmètre est fixé par un décret de 2013, créant la fonction de délégué interministériel pour la Méditerranée dont la mission est de mettre en œuvre la politique méditerranéenne de la France, en direction des pays de la rive sud de la Méditerranée. Par extension, cela comprend la Méditerranée comme espace géopolitique, donc sont inclus les pays européens méditerranéens, les Balkans et évidemment la Turquie. Mais cette géographie est extrêmement mouvante en fonction des sujets et de l’actualité.

En quoi est-ce important que ce poste soit interministériel ?

C’est très important car cela signifie que je peux mobiliser les services de l’État sur le sujet méditerranéen, qui est transversal par essence. Je m’occupe par conséquent beaucoup d’action internationale, avec les pays et les sociétés de la rive sud, mais aussi de tout ce qui, en France, comporte une dimension méditerranéenne, comme à Marseille, par exemple, qui est un peu la capitale méditerranéenne de la France, mais aussi Toulon, Nice ou encore Montpellier. Le fait que la délégation à la Méditerranée ait un ambassadeur à sa tête traduit cependant l’importance des enjeux diplomatiques.

Vous êtes donc rattaché au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères [MEAE] qui vous alloue un budget…

Effectivement, la délégation est rattachée au MEAE depuis 2015, sur décision de Laurent Fabius, mais cela n’a pas été toujours le cas. La délégation était auparavant rattachée au Premier ministre. Nous avons un budget abondé par le secrétariat général du MEAE qui nous permet de financer notre fonctionnement, des projets, et d’organiser des événements en propre, ce qui est un atout.

Comment s’articule votre fonction avec les missions du réseau diplomatique français ?

La diplomatie française a une dimension à la fois bilatérale qui s’appuie sur nos ambassades à l’étranger, et une dimension multilatérale, ou régionale, qui est davantage la mienne : les deux doivent naturellement être coordonnées. La dimension multilatérale concerne des États, mais aussi des organisations, notamment l’Union pour la Méditerranée (UPM), la Convention de Barcelone, la Fondation Anna Lindh, qui est un peu le bras culturel de l’UPM. Nous nous appuyons aussi beaucoup sur l’Union européenne comme en ce moment alors que l’Espagne la préside. C’est dans ce schéma général que nous mettons en œuvre la politique méditerranéenne de la France, et il se trouve qu’Emmanuel Macron a une ambition forte pour la Méditerranée. Nous devons faire face à des défis communs à cette zone traversée par les tensions et les crises, et promouvoir la coopération. Nous développons donc des projets politiques mais aussi culturels au Liban, au Maghreb, en Égypte. En Libye par exemple, la France a une longue expérience des sites archéologiques, malgré la situation politique très compliquée, et c’est essentiel de soutenir ces projets, en coopération avec les Libyens.

Sur le plan culturel, quelles sont les interventions de la délégation que vous dirigez ?

Comme je l’ai dit, la Méditerranée fait face à de nombreux défis, climatiques, démographiques, économiques, et c’est dans ce cadre que s’inscrivent les sujets culturels. On dispose d’outils déjà existants, mais qui ne fonctionnent pas toujours aussi bien que souhaité. Parmi eux l’UPM, que l’on essaie de redynamiser, le « Dialogue 5+5 » [forum regroupant cinq pays du nord de la Méditerranée occidentale, dont la France, et cinq pays du Sud] ou la Fondation Anna Lindh qui s’est récemment dotée d’une nouvelle gouvernance.

Il y a donc de nombreux outils mais le but de notre action, c’est d’imaginer aussi de nouveaux instruments ou de nouveaux modes de coopération. Le projet « Livres des deux rives » correspond exactement à cette perspective : c’est un projet emblématique de notre ambition pour la Méditerranée. Il mobilise des éditeurs et des traducteurs sur un objet essentiel, le livre, en France et dans trois pays du Maghreb. C’est le type de projet qui fait travailler des gens ensemble par-delà les difficultés et rivalités régionales. Autre exemple, le Forum des mondes méditerranéens qui s’est tenu à Marseille, en février 2022, et qui a réuni près de 3 000 représentants des sociétés civiles du pourtour méditerranéen. Car la Méditerranée, ce sont des États, bien sûr, mais c’est aussi une multitude d’acteurs de la société civile : des entrepreneurs, des universitaires, des artistes, des éditeurs… Nous avons, par exemple, créé une académie des talents de la Méditerranée, à Marseille, financée par l’Agence française de développement (AFD) et qui a un volet culturel. Il s’agit d’aider des acteurs de la société civile à réaliser un projet, grâce à du financement et de la formation. Je mentionne aussi le projet « Safir » porté par l’Institut français qui s’adresse à de jeunes porteurs de projets à impact social, culturel ou environnemental au Maghreb et au Proche-Orient : il a permis d’identifier en quelques années un millier d’entrepreneurs et créateurs.

De quels atouts dispose la France en Méditerranée face à l’influence d’autres pays européens, comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne ?

La France a la chance de pouvoir s’appuyer sur un réseau culturel et diplomatique qui est l’un des plus denses au monde, grâce aux Instituts français, mais aussi aux nombreux établissements scolaires français. Ce réseau parfois méconnu est un atout considérable, qui compte aussi de nombreuses écoles bilingues ou sous contrat avec la France, au Maghreb et au Liban notamment. Cela offre un maillage formidable du territoire en Méditerranée et reste un outil fondamental de rayonnement malgré les critiques que l’on peut entendre sur un éventuel déclin de la présence française. Enfin, parmi les outils culturels qui contribuent à notre rayonnement, il y a les nombreux partenariats mis en œuvre par nos établissements culturels, comme le MuCEM [Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille] ou l’Institut du monde arabe à Paris, mais aussi par les nombreux festivals français qui s’intéressent à la Méditerranée. Je pense aussi aux nombreuses résidences qui permettent aux artistes et penseurs de s’immerger dans une autre réalité.

Quels sont les grands projets méditerranéens pour les années à venir ?

Le président de la République a annoncé à Marseille, en juin dernier, la programmation d’une grande « Saison culturelle Méditerranée » en 2026, sur laquelle nous travaillons avec l’Institut français. Elle aura une forte dimension culturelle, mais proposera également des projets sur le sport ou l’innovation. C’est une saison pensée en miroir de la « Saison Africa 2020 », avec la jeunesse, les créateurs, l’innovation numérique, de grandes expositions… Nous serons très attentifs à la dimension populaire de cette Saison, avec des événements dans les quartiers populaires et une implication des diasporas : ce sera un peu le point d’orgue de cette politique méditerranéenne évoquée plus haut. Cette Saison doit permettre de créer du lien, mais aussi de changer le regard porté en France sur la Méditerranée et ses diasporas.

Est-ce que vous intervenez sur les questions de politique mémorielle, en particulier celles liées à l’Algérie coloniale ?

Oui, j’ai été membre de la commission Stora qui a contribué à lancer des projets concrets autour de l’apaisement des mémoires issues de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Mais les blocages sur ce sujet ne sont pas nouveaux et ne vont pas se dissiper rapidement, chez nous comme en Algérie. Le projet d’Institut de la France et de l’Algérie que le président a annoncé est également emblématique, et j’espère qu’il pourra voir le jour, malgré les obstacles [ce projet fait suite à la création avortée d’un musée de la France et de l’Algérie, à Montpellier]. D’une manière générale, je trouve que durant ces dix dernières années la France a fait un énorme travail sur ces questions, notamment avec Emmanuel Macron à travers sa politique de reconnaissance : on voit clairement un changement de génération.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°616 du 8 septembre 2023, avec le titre suivant : Karim Amellal : « Soutenir et promouvoir la politique méditerranéenne de la France »

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque