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POLÉMIQUE

Genève, vent de fronde contre Marc-Olivier Wahler 

GENÈVE / SUISSE

Des personnalités du monde de l’art genevois demandent via une pétition la révocation du directeur, en raison des « non-sens historiques » engendrés par sa muséologie « de la rupture ».

Marc-Olivier Wahler. © Mike Sommer
Marc-Olivier Wahler.
© Mike Sommer, 2019

Genève. C’est un nouveau rebondissement dans l’histoire mouvementée du Musée d’art et d’histoire (MAH). Deux ans à peine après l’arrivée du curateur suisse et ancien directeur du Palais de Tokyo, le musée genevois, Marc-Olivier Wahler à sa tête, semble entrer dans une nouvelle zone de turbulences. Tout commençait début de juillet avec l’annonce d’une enquête menée par la Cour des comptes de Genève après un « rapport citoyen ». La gestion financière de l’institution y était épinglée, en particulier les « défraiements faramineux » de commissaires indépendants invités à concevoir des expositions « carte blanche » à partir des collections du musée (100 000 € pour le commissariat de Jean-Hubert Martin programmé en 2022 ou 62 000 CHF [56 000 €] pour celui de Jakob Lena Knebl pour la dernière exposition de 2021 [lire le JdA no 568, 28 mai 2021]) alors que 200 000 francs suisses (182 000 €) auraient été dépensés pour la nouvelle identité visuelle de l’institution.

Les griefs ne sont pas que d’ordre financier, ces appels à des prestataires extérieurs se faisant au détriment du personnel de conservation du musée qui s’estime mis sur la touche. Mais c’est l’annulation de grands projets d’expositions prévus par l’équipe du musée depuis plusieurs années (comme « Genève 1900 ») ou encore les récentes annonces de transformation du cabinet des arts graphiques en « tiers-lieu » (soit un café) qui semblent avoir mis le feu aux poudres et provoqué une fronde menée par des personnalités du monde de l’art genevois. Dans une pétition rendue publique le 13 août dernier, 117 signataires demandent à la maire de Genève la révocation du directeur du musée, une première en Suisse.

Erreur de casting

La charge, conduite par des professeurs d’université, historiens, architectes, restaurateurs d’art, anciens directeurs de musée et archéologues, contre Marc-Olivier Wahler est lourde. Pour le professeur d’histoire de l’art François Elsig, signataire et interrogé par le journal genevois Le Temps, « le musée d’art et d’histoire doit changer de direction, pas d’ADN ». L’erreur de casting initiale est pointée du doigt : « C’est son profil qui est en cause. Il joue sa partition, celle d’un curateur qui exerce son talent sur le champ de l’art contemporain, mais dans une institution inappropriée, un musée patrimonial. Il donne ainsi la priorité à la forme au détriment du fond. » En cause, en particulier, l’exposition « Marcher sur l’eau » (lire le JdA no 568, 28 mai 2021), qui avait valeur de manifeste pour le nouveau directeur, décidé à dépoussiérer un musée créé en 1910 et en attente d’un nouveau souffle (lire le JdA n°555 du 13 novembre 2020). L’approche curatoriale choisie, celle d’une muséologie dite « de la rupture », privilégiant un regard et une narration subjectifs par rapport à la présentation scientifique des objets, avait pourtant peiné à convaincre critiques et public. La pétition dénonce « une méconnaissance de l’essence même des collections, celle des arts appliqués notamment » et « des non-sens historiques susceptibles d’induire en erreur le public qui visite le musée ».

La défense de « MOW »

Le coup médiatique du directeur se mettant en scène via les réseaux sociaux pour « Une nuit avec Ramsès » le 23 juin dernier a conforté la crainte que strass et paillettes ne viennent brouiller la mise en valeur de cette collection encyclopédique. Ne s’agirait-il en réalité que de réconcilier le musée avec la modernité ? C’est ce que sous-entend Marc-Olivier Wahler répondant aux critiques des pétitionnaires par voie de presse fin août et appelant à un « débat honnête » : « J’ai été nommé pour projeter le MAH dans le XXIe siècle, pour qu’il ne soit pas seulement un temple du savoir mais qu’il réponde à la curiosité et aux usages du public du XXIe siècle », rappelle-t-il. Des arguments qui ne devraient pas convaincre les signataires de la pétition pour lesquels le temps presse, car la titularisation de Marc-Olivier Wahler doit avoir lieu en novembre. La balle est à présent dans le camp de la Mairie de Genève qui ne compte pas céder si aisément aux pressions. « L’approche offensive de valorisation du musée » signée « MOW », comme le nomme le chargé de la culture, Sami Kanaan, est pour l’instant défendue par la Ville de Genève qui minimise la portée de cette pétition. Prochain épisode en automne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°573 du 17 septembre 2021, avec le titre suivant : Vent de fronde contre Marc-Olivier Wahler au Musée d’art et d’histoire de Genève

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