Enrichissement du patrimoine

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 27 mai 2005 - 1028 mots

Les grands musées parisiens restent bien placés. Le Cateau-Cambrésis, Nantes (Musée Dobrée) et La Piscine de Roubaix bénéficient du soutien de leur autorité de tutelle.

Devenus de véritables « chefs d’entreprises » confrontés aux difficultés économiques et administratives de leurs établissements, les conservateurs doivent néanmoins poursuivre leur mission première, à savoir l’enrichissement, l’étude et l’entretien des collections que leurs musées abritent. C’est sur ces enjeux scientifiques fondamentaux que se penche ce troisième volet de notre palmarès des musées.
En tête de ce classement dévolu à la conservation, on trouve, sans aucune surprise, les gros établissements publics, le Louvre, Orsay et Guimet, mais aussi le Musée d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq, qui occupe la première place. Ce dernier, qui dépend de la communauté d’agglomération de Lille Métropole, a bénéficié de moyens exceptionnels l’année dernière en raison de Lille 2004,
capitale européenne de la culture . L’équipe est constituée de trois conservateurs et trois attachés de conservation, dont deux personnes à plein-temps pour s’occuper de la collection d’Art Brut, reçue en donation en 1995, et pour laquelle une aile sera spécialement construite en 2006. La conservatrice Joëlle Pijaudier-Cabot souligne que, pour les questions d’ordre administratif, le musée a de la chance d’avoir une personne à plein-temps. De manière générale, l’institution se sent très soutenue par l’agglomération (en témoignent les chiffres d’acquisition et de restauration). Pierre Mauroy, qui dirige la communauté d’agglomération, est aussi président du musée. Précisons toutefois que si le Musée du Louvre n’avait pas omis de répondre à la question cruciale du temps dévolu à la conservation, il arriverait en tête, avec son armada de conservateurs et ses budgets très importants. Il en est de même pour le Centre Pompidou – en tête de notre dernier classement des musées (lire le JdA n° 201, 22 octobre 2004) –, qui, cette fois-ci, n’a pas répondu à l’ensemble du questionnaire et se situe donc à la 50e place. Même situation pour le château de Versailles ou le Palais des beaux-arts de Lille, dont les réponses ont été lacunaires.

Recherche de mécènes
Parmi les établissements en première ligne figurent deux musées départementaux, le Musée Matisse du Cateau-Cambrésis (4e du classement) et le Musée Dobrée de Nantes (4e), qui bénéficient de la politique culturelle active des collectivités dont ils dépendent – respectivement le conseil général du Nord et celui de Loire-Atlantique. Ils sont suivis par la très médiatique Piscine (7e), ou Musée d’art et d’industrie de Roubaix, inaugurée à l’automne 2001, dont le budget d’acquisition s’élève à plus de 275 000 euros. Si la présence de certains établissements comme le Musée des Augustins de Toulouse (8e), dont la très belle collection bénéficie d’un budget de 250 000 euros pour la restauration, ou le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (13e), avec 680 000 euros de budget d’acquisition, n’est pas surprenante, certains musées font une entrée pour le moins inattendue dans ce classement. Ainsi du Musée de la chasse et de la nature (7e), à Paris. Cet établissement privé, géré par la Fondation de la Maison de la chasse et de la nature créée en 1964, dispose de 325 000 euros annuels pour enrichir sa collection et de 110 000 euros pour l’entretenir. « Nous vivons des produits financiers du legs [privé à l’origine du musée], ce qui nous garantit une grande souplesse d’acquisition. Nous vivons sans aucun financement public, mais, étant Musée de France, nous pourrions bénéficier de crédits pour la restauration de nos œuvres inaliénables », précise le conservateur en chef, Claude d’Anthenaise. Fermé depuis janvier 2005, le Musée de la chasse devrait rouvrir courant 2006. D’autres musées ont créé la surprise : le Musée départemental Maurice-Denis (13e), à Saint-Germain-en-Laye, et le Musée Labenche d’art et d’histoire (15e), à Brive-la-Gaillarde, dont les conservateurs se targuent de pouvoir consacrer l’essentiel de leur emploi du temps à la conservation, contrairement à l’ensemble des autres musées de notre enquête. Outre les mastodontes parisiens, beaucoup de conservateurs avouent en effet ne consacrer que 10 % de leur activité à la conservation. Un phénomène lié au manque de personnel scientifique des établissements. « C’est un problème national. En France, le nombre des conservateurs est ridicule. Nous sommes obligés de prendre sur notre temps libre pour assumer nos fonctions. Les heures supplémentaires ne se comptent même plus », explique Dominique Szymusiak, conservatrice du Musée Matisse de Cateau-Cambrésis. « Le travail scientifique est réservé à la nuit et aux week-ends », déplore Jacques Santrot, conservateur en chef du Musée Dobrée de Nantes. Des propos que le palmarès ne vient pas contredire, avec, pour la majorité des musées, un nombre de conservateurs compris entre une et quatre personnes, ce qui semble insuffisant au regard du rôle croissant et des nouvelles activités des musées. Pour Jacques Santrot, le problème ne se résume pas à un manque de personnel, mais aussi au fait qu’il n’y ait pas « la bonne personne à la bonne place ». « La culture n’étant pas considérée comme prioritaire, l’administration impose parfois un personnel non compétent, qui vient d’autres domaines et qu’il lui faut recycler… Le musée se retrouve donc avec toute une partie du personnel qui n’est pas qualifié », explique-t-il. La question de la professionnalisation des personnels semble également décisive. Le Musée Georges-de-La Tour, à Vic-sur-Seille (32e) a lui choisi d’organiser l’accueil, le secrétariat ou la surveillance avec un système de rotation des employés, qui assument tour à tour différentes tâches. Son conservateur, Gabriel Disse, se félicite par ailleurs du soutien apporté par le département de Moselle à l’établissement. Mais tous les musées n’ont pas la chance de susciter l’intérêt des collectivités territoriales, et certains sont souvent les parents pauvres des politiques locales. Une situation qui pourrait s’aggraver si, au nom de la décentralisation, l’État ne s’engage pas plus de leur côté. Ne resterait alors plus qu’une seule solution : le mécénat culturel, avec les risques et incertitudes que cela comporte. S’il est en progression depuis les nouvelles mesures juridiques et fiscales votées en 2002 et 2003, rares sont les musées possédant des services dévolus à la recherche de mécènes. Pourtant, le mécénat culturel, qui intéresse de plus en plus les PME locales, sera, à n’en pas douter, l’un des enjeux des prochaines années.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°216 du 27 mai 2005, avec le titre suivant : Enrichissement du patrimoine

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