Claire Delfosse : « En milieu rural, la culture se diffuse par d’autres canaux »

Depuis la pandémie, les médias parlent beaucoup de ruralité, mais celle-ci avait déjà changé d’image avant le Covid : aujourd’hui, la campagne n’est plus seulement synonyme de désertification et de déclin, comme on l’a vu avec les Gilets jaunes. Du fait de la crise environnementale, elle est en effet perçue comme un espace où vivre autrement et développer d’autres rapports avec la nature – souvent de manière idéalisée. À un imaginaire rural très marqué par l’art de vivre et le patrimoine, succède aussi l’idée que la ruralité est un terrain d’innovation.

Il faut distinguer les artistes qui habitent à la campagne de ceux qui y créent et ceux qui y diffusent. Certains s’installent à la campagne parce que le foncier est moins cher. D’autres, et ce n’est pas un phénomène si récent, y ouvrent des lieux de résidence, proposent des stages… Enfin, aujourd’hui, certains y vivent parce qu’ils veulent être plus autonomes et cherchent d’autres rapports avec le public. Parmi eux, quelques-uns reprennent une ferme ou une exploitation agricole – ce qui me semble assez nouveau. J’ai pu voir, aussi, des compagnies de théâtre qui pensent qu’en s’installant là où il y a moins de public, elles seront moins soumises à la concurrence et pourront diffuser leurs spectacles dans de meilleures conditions. Certaines disciplines dites « mineures », comme les arts de la marionnette, ont ainsi pu percer grâce au milieu rural.

La confusion entre pratiques culturelles et équipements est fréquente. Or, la culture en milieu rural n’est pas que liée aux équipements : elle se diffuse par d’autres canaux et sous d’autres formes, comme le théâtre de rue. De plus, beaucoup d’activités ne sont pas considérées comme culturelles, du fait de leur porosité avec les loisirs et pratiques amateur. Dans les campagnes, la culture est très souvent mise en œuvre par le milieu associatif, y compris pour la gestion d’équipements. Dans ces conditions, le modèle de la décentralisation est inopérant et doit être adapté à la réalité du terrain. Les jauges ne sont pas les mêmes que dans les villes, il faut imaginer d’autres formats et tester d’autres propositions.