Société

30 ANS - PERSONNALITÉS

30 personnalités qui ont marqué la scène française

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 29 mars 2024 - 4113 mots

Trente conservateurs, universitaires, marchands qui symbolisent les changements dans le patrimoine et la création depuis 30 ans.

Sylvie Ramond, Jack Lang, Camille Morineau, Jean-Jacques Aillagon, Françoise Cachin et Fabrice Hergott. © Siegfried Marque © Thierry Rambaud © Valérie Archeno © Blewjonah © DR © Elodie Ratsimbazafy
Sylvie Ramond, Jack Lang, Camille Morineau, Jean-Jacques Aillagon, Françoise Cachin et Fabrice Hergott.
© Siegfried Marque
© Thierry Rambaud
© Valérie Archeno
© Blewjonah
© D.R.
© Elodie Ratsimbazafy

Le monde de l’art, particulièrement la France qui continue d’y occuper une position notable, n’a évidemment pas échappé aux bouleversements qui ont transformé la planète depuis trente ans. Ces bouleversements ont affecté, à des degrés divers, les musées, le patrimoine, la création contemporaine et le marché de l’art. Dix-neuf hommes et onze femmes incarnent les changements opérés dans ces secteurs. Ces deux chiffres illustrent d’ailleurs la féminisation accélérée du secteur au point d’atteindre la parité si on avait resserré la focale sur les seules dernières années.

La protection du patrimoine matériel et immatériel portée par des élus, ministres ou directeurs de sites s’est accrue depuis 1994. Elle fait écho à un attachement croissant des citoyens à ces marqueurs identitaires, comme en a témoigné la grande émotion populaire lors de l’incendie de Notre-Dame. Les musées français, à commencer par les grands musées nationaux qui se sont autonomisés au cours de la période, ont multiplié les expositions devenues des événements, propulsant leurs directeurs et conservateurs sur le devant de la scène. La mondialisation des échanges a aussi profité à la circulation des œuvres et des expositions.

À l’instar des pétromonarchies du Golfe – qui ont largement fait appel aux savoir-faire français –, les villes ont compris que la culture était un levier de développement, voire de reconquête urbaine. Elles ont beaucoup investi dans la rénovation ou la construction de musées, financé des festivals et des événements culturels. Elles ont aussi installé des œuvres d’art dans l’espace public contribuant à populariser l’art contemporain auprès du grand public, encore peu considéré il y a trente ans.

Depuis, de grandes fondations, ou assimilées, d’art contemporain se sont établies à Paris et dans les territoires, à l’initiative de riches hommes d’affaires qui y ont vu une synergie avec leurs entreprises, souvent dans le luxe. Le marché de l’art a profité de cet emballement pour la création d’aujourd’hui favorisant l’internationalisation des galeries et la montée en puissance des ventes aux enchères après la fin du monopole des commissaires-priseurs. Pour autant, le poids de la France dans le marché est resté autour de 5-6 %.

Restitutions, diversité, écologie, numérique

Ces trente dernières années ont vu une mobilisation croissante pour rendre aux juifs spoliés pendant la guerre les œuvres d’art que les nazis leur avaient volées, et depuis les années 2000 une mobilisation contre le trafic des biens archéologiques. Le débat sur la restitution des objets dans un contexte colonial est plus récent. Comme l’est la reconnaissance des communautés ethniques ou de genre, ou la lutte contre le harcèlement sexuel ou la pédocriminalité dont le peintre Balthus a subi les effets.

Si les préoccupations écologiques ont démarré bien avant 1994, leur prise en compte par l’opinion date de seulement quelques années comme la transition écologique qui n’en est encore qu’à ses balbutiements dans la culture. Il en est tout autrement du numérique, dont le service le plus visible est Internet (né en 1989) qui a profondément changé la communication, l’accès aux données et les pratiques dans les musées et dans la culture. En particulier pendant les confinements. Et la révolution n’est pas terminée puisque les experts annoncent que l’intelligence artificielle aura des effets aussi structurants que le web.

Jean-Jacques Aillagon

L’auteur de la loi mécénat qui porte son nom (né en 1946) est une figure centrale des trente dernières années. Son destin est étroitement associé à Jacques Chirac, qui l’a nommé à la direction des Affaires culturelles de Paris, puis au Centre Pompidou où il a supervisé les travaux de rénovation de l’an 2000, au ministère de la Culture et enfin recommandé à son successeur pour la direction du château de Versailles où là aussi il a lancé un grand chantier de restauration. Son destin est tout autant associé à François Pinault dont il a été le conseiller dès 2004 avant de prendre la direction générale de la structure qui gère sa collection et les sites de Venise et Paris.


Bernard Arnault

L’homme le plus riche du monde (selon le cours de l’action de LVMH) est le symbole le plus emblématique du mariage du luxe et de l’art. Après avoir vainement tenté de s’imposer dans l’univers des ventes aux enchères (Tajan, Phillips, Bonhams), il ouvre en 2014 un immense lieu d’exposition en bordure du bois de Boulogne, construit par Frank Gehry, sous le nom d’un maroquinier de luxe. Bernard Arnault (né en 1949) y organise des manifestations qui font date avec des budgets considérables, et y montre parfois des œuvres de sa collection. Son groupe de médias possède l’une des trois revues d’art les plus importantes. Ses grands magasins (Le Bon Marché, Samaritaine) invitent régulièrement des artistes.


Colette Barbier

Sa curiosité et son engagement auprès des artistes de la scène française ont façonné la personnalité de la Fondation Pernod Ricard, dont elle a été la fondatrice, la directrice et le visage de 1998 à 2023. À travers une programmation exigeante d’expositions et d’entretiens sur l’art, mais aussi avec le lancement en 1999 du prix Ricard, en partenariat avec le Centre Pompidou, Colette Barbier (née en 1959) a contribué à révéler et à soutenir les nouveaux talents. Elle a aussi su donner une légitimité à cette fondation d’entreprise désormais installée dans le paysage et dont elle a accompagné l’évolution, consacrée par son déménagement au rez-de-chaussée du siège social flambant neuf du groupe en 2021.


Laurence Bertrand Dorléac

Son nom demeure indissociable de ses travaux, livres, enseignements et expositions sur l’art en France sous l’Occupation et les effets de la Seconde Guerre mondiale sur la création artistique. Elle a mené des recherches sur le rôle social de l’art dans les années 1950-1960, les représentations artistiques depuis l’Antiquité, et organisé plusieurs expositions mémorables (« Les choses. Une histoire de la nature morte » au Louvre). En 2022, la Fondation nationale des sciences politiques la nomme à sa présidence, portant ainsi pour la première fois à sa tête une femme et une historienne de l’art. Laurence Bertrand Dorléac (née en 1957) est une familière de la maison puisqu’elle y enseigne depuis longtemps.


Jean Blaise

Nantes n’est pas la première ville à avoir organisé un festival culturel, mais c’est la première à s’être emparée de la culture pour modifier en profondeur l’image d’une ville. Elle le doit à son maire de l’époque (Jean-Marc Ayrault) et à un homme : Jean Blaise (né en 1951). Avec Les Allumés en 1990, Estuaire, puis le Voyage à Nantes, ce dernier a apporté une dimension pluridisciplinaire, festive, populaire et qualitative à ces manifestations. Tout cela avec un art consommé de la communication. Dans le même esprit, il crée en 2000 le Lieu Unique, qui associe culture, restaurant et services. En 2017, Le Havre lui demande d’organiser Un été au Havre : il parsème la ville de sculptures d’art contemporain.


Françoise Cachin

Grande dame des musées (1936-2011), elle a été à la fois une personnalité exemplaire et atypique de l’art. Première femme à diriger un grand établissement national – le Musée d’Orsay de 1987 à 1994 –, elle a été aussi la première à prendre la tête des Musées de France. Au sein de cette administration, elle a joué un rôle décisif dans la vague de rénovation des établissements de province et a œuvré en faveur d’une politique volontariste de dépôts d’œuvres. Son action a été déterminante dans la création de Frame, l’incontournable réseau de coopération entre musées français et américains. Françoise Cachin a aussi marqué les esprits par sa liberté de ton, notamment lorsqu’elle a dénoncé la marchandisation de l’art.


Blandine Chavanne

Sa connaissance fine des mécanismes d’un musée et sa conception de ce que doivent être les missions premières de ce type d’établissement, alliant exigence qualitative et ouverture au plus grand nombre, en ont fait un référent en matière de politique des musées. Sous-directrice de la politique des musées au Service des musées de France (2015-2018), elle en a assuré la direction jusqu’à son départ à la retraite, en 2019. Cette expertise, Blandine Chavanne (née en 1954) l’a acquise essentiellement en région. Conservatrice aux musées de Poitiers, puis directrice du Musée des beaux-arts de Nancy (2001-2006), elle a dirigé le Musée des beaux-arts de Nantes (2007-2015) avant de claquer la porte, à la suite de l’annulation par la municipalité de l’exposition Georgia O’Keeffe.


Pierre Cornette de Saint Cyr

C’est peu dire que cet homme flamboyant a contribué à dépoussiérer le métier de commissaire-priseur. Dans l’univers feutré des enchères, où régnaient en maître la peinture ancienne et le mobilier du XVIIIe siècle, Pierre Cornette de Saint-Cyr (1939-2023) a su s’intéresser avant tout le monde à des catégories peu considérées jusqu’alors, comme la photographie, le design ou la bande dessinée. Il a aussi été le premier à lancer les ventes d’art contemporain en France. C’est aussi lui, attiré par la lumière, qui a contribué à populariser les ventes publiques ; sous son marteau, elles devenaient de véritables shows médiatiques. Il a enfin été un fervent défenseur de la scène française. C’est d’ailleurs lui, qui, en 2003, a pris la présidence du Palais de Tokyo, jusqu’en 2012.


Laurence des Cars

Première femme à diriger le Louvre, Laurence des Cars (née en 1966) doit cette promotion à une carrière muséale exemplaire. Nommée conservatrice à Orsay à sa sortie de l’École nationale du patrimoine (devenu l’Institut national du patrimoine), elle y organise plusieurs expositions qui ont fait date. Elle participe à l’aventure du Louvre Abu Dhabi jusqu’à sa nomination à la tête du Musée de l’Orangerie, puis d’Orsay, où elle met en chantier un nouveau centre de ressources et de recherches dans un immeuble voisin. Au Louvre, très attachée comme son prédécesseur Jean-Luc Martinez à l’exigence muséale, elle a aussi fait de l’accueil du public et du développement territorial, deux de ses priorités.


Georges Didi-Huberman

Dans le sillage d’Aby Warbug, le philosophe et historien de l’art élabore une histoire et une théorie des images qui ouvre l’histoire de l’art ainsi que l’histoire politique à « l’anthropologie du visuel », titre de son enseignement à l’École des hautes études en sciences sociales. Par ce décryptage des images, Georges Didi-Huberman (né en 1953) impulse de nouvelles perspectives critiques et artistiques. En 2015, il reçoit le prix Theodor W. Adorno, prix prestigieux récompensant tous les trois ans des contributions exceptionnelles dans le domaine de la philosophie, de la musique, du théâtre et du cinéma. Il est aussi le commissaire de plusieurs expositions dont « Soulèvements » au Jeu de paume, en 2017.


Didier Fusillier

Le directeur de « Lille, Capitale européenne de la culture 2004 » est l’inventeur de l’art contemporain festif et populaire. Doté d’une énergie et d’un enthousiasme sans limite, Didier Fusillier (né en 1959) a pris les rênes de la Grande Halle de la Villette en 2015 où il a mis en œuvre son rapport décomplexé à la culture et forgé le dispositif des « Micro-Folies » qui ont depuis essaimé dans toute la France. Emmanuel Macron l’a appelé en catastrophe pour s’assurer que le Grand Palais sera bien opérationnel pour les JO et lui demander d’appliquer ses recettes pour un site lourdement endetté et un opérateur – la RMN – qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il était il y a trente ans.


Antoine de Galbert

Avec l’espace d’expositions La Maison rouge (2004-2018), le collectionneur (né en 1955) invente un lieu singulier. La curiosité et la liberté qui le caractérisent impriment une aventure synonyme de « déhiérarchisation » entre une œuvre d’un artiste de renom et celle d’un inconnu quelle que soit la discipline. Avec sa fondation, il poursuit son soutien aux artistes ainsi qu’aux musées par des donations de pièces de sa collection ou des aides à l’édition, à la production d’œuvre ou à la constitution d’une collection. La donation au Centre Pompidou de la collection de Jean Chatelus, dont la Fondation Antoine de Galbert a hérité en 2021, reflète ses liens d’amitié avec d’autres collectionneurs.


Bruno Gaudichon

Rarement un directeur n’aura été aussi associé à son musée. Dans le milieu, tout le monde l’appelle par son prénom, souvent avec un sourire, car l’emblématique concepteur du Musée d’art et d’industrie de Roubaix – La Piscine est l’incarnation de la bienveillance et d’un certain idéal du service public. Dès la genèse de cet équipement atypique en 1989, Bruno Gaudichon (né en 1956) a imaginé un musée solidaire qui mette l’humain et la médiation au cœur. Résultat : un plébiscite public et critique avec une fréquentation dépassant les 200 000 visiteurs par an grâce à une programmation ambitieuse alternant blockbusters et projets exigeants magnifiant la sculpture, l’autre pari osé du musée.


Fabrice Hergott

Le directeur du Musée d’art moderne de Paris (MAM) est l’un des acteurs les plus notables de la promotion de l’art contemporain, avec une rare qualité : il expose aussi bien Loris Gréaud que Bernard Buffet. Cet œcuménisme se fonde dans un parcours qui passe par le Centre Pompidou (dont il ne garde pas un bon souvenir) et surtout par la direction des musées de Strasbourg qui l’incite à considérer tous les arts et toutes les périodes avec la même bienveillance. Fabrice Hergott (né en 1961) a su refaire du MAM qu’il dirige depuis 2007 un lieu très couru avec des succès d’audience à faire pâlir d’envie son voisin du Palais de Tokyo, doublé d’une politique active de donation qui mérite d’être mieux connue.


Michel Laclotte

Ceux qui ont eu la chance d’assister à ses cours se souviennent de sa gourmandise, même à un âge avancé, quand il commentait la peinture de la Renaissance. Michel Laclotte (1929-2021) était un des derniers grands érudits de sa génération ; mais pas seulement, il a aussi été un homme de terrain et un visionnaire de la mutation des musées. Nommé par André Malraux à la tête des Peintures du Louvre, c’est lui qui a eu l’intuition de la nécessaire réorganisation du département et de la création d’un lieu dévolu à l’art du XIXe siècle. Ce qui a entraîné la naissance du Musée d’Orsay qu’il a dirigé. Tout comme le Louvre, dont il a piloté le redéploiement et l’extension via la fameuse pyramide dont il a été le défenseur.


Emma Lavigne

Emma Lavigne (née en 1968) incarne parfaitement le profil de ces femmes conservatrices, commissaires d’exposition, directrices d’institution, spécialistes de l’art contemporain et sachant habilement gérer leur carrière. Conservatrice à la Cité de la musique en 2000, puis au Centre Pompidou en 2008, elle part à Metz diriger l’antenne du Centre avant de prendre la présidence du Palais de Tokyo. Elle a été la commissaire du pavillon français à la Biennale de Venise (avec l’artiste Céleste Boursier-Mougenot), puis de la Biennale de Lyon. Repérée par François Pinault, elle quitte le public en 2021 pour diriger la collection et les sites de l’homme d’affaires.


Élisabeth Lebovici

Ses écrits et expositions consacrés aux artistes contemporains, au féminisme, aux questions de genre et à la théorie queer ont fait bouger les lignes dans la manière d’appréhender et d’écrire l’histoire de l’art. L’historienne et critique d’art (née en 1953), ancienne journaliste au service culture de Libération, poursuit son entreprise dans une démultiplication d’activités qui, de son blog Le Beau Vice à la création du fonds de dotation LIG (Lesbiennes d’Intérêt Général), inclut aussi la co-direction d’un séminaire à l’École des Hautes études en Sciences sociales. Ce que le sida m’a fait – Art et activisme à la fin du XXe siècle (2017, JRP Éditions) a été récompensé du prix Pierre Daix et a fait l’objet d’une exposition au Palais de Tokyo en 2023.


Jean-Hubert Martin

Ses partis pris décalés et ses télescopages visuels ont été souvent imités mais jamais égalés. « Paris-Berlin », « Une image peut en cacher une autre », sans oublier les célèbres « Magiciens de la terre »… Tout le monde connaît au moins une de ses expositions, ne serait-ce qu’à travers leur catalogue, dont certains sont de véritables collectors. Difficile de passer à côté de ce phénomène qui a à son tableau de chasse plus de 130 expositions. À telle enseigne que l’on pourrait aisément penser qu’il s’agit d’un commissaire indépendant, adjectif qui lui va, il est vrai, comme un gant. Il n’en est rien car Jean-Hubert Martin (né en 1944) a aussi dirigé nombre d’institutions dont le Musée national d’art moderne parisien et la Kunsthalle de Berne.


Stéphane Martin

L’énarque possède le record absolu de longévité pour un responsable d’établissement public. Stéphane Martin (né en 1956) a en effet dirigé pendant vingt et un ans le Quai Branly, depuis la préfiguration du musée en 1998 jusqu’à son départ en 2020 ! Il fait même partie des premiers concepteurs de ce projet, auquel personne ne croyait à l’époque, puisque Jacques Chirac lui a confié de concert avec le collectionneur Jacques Kerchache une mission sur la place des arts premiers dans les musées. En quelques années, il a réussi à imposer contre vents et marées l’idée d’un musée ethnographique d’un genre nouveau qui est très vite devenu l’un des établissements les plus populaires de Paris.


Jack Lang

L’emblématique ministre de la Culture de François Mitterrand qui est à l’origine de nombreux programmes et équipements structurants continue à peser sur la vie culturelle française, à la fois comme figure tutélaire mais aussi comme acteur. Une de ses premières missions au ministère de l’Éducation nationale (2000-2002) a été de lancer un programme d’ampleur d’Éducation artistique et culturelle. Après avoir pris du retrait par rapport au monde culturel au profit d’une carrière politique, Jack Lang (né en 1939) reprend un poste opérationnel en présidant, depuis 2013, l’Institut du monde arabe (IMA), accompagné de son fidèle lieutenant Claude Mollard. Sous sa présidence, l’IMA est redevenu un lieu à la mode.


Jean de Loisy

Directeur du premier Frac des Pays de la Loire à 25 ans, Jean de Loisy (né en 1957) a insufflé un dialogue interdisciplinaire et intergénérationnel porteur d’une dynamique qui a séduit autant les artistes, les institutions publiques ou privées que les mécènes. Ses expositions « Traces du sacré » au Centre Pompidou en 2008, ou « Formes simples » au Centre Pompidou-Metz en 2014, ont donné un point de vue sur une histoire du XXe siècle qui a fait école depuis. Sa vision de l’art, son imagination et son adaptabilité à tout projet l’ont hissé à la présidence du Palais de Tokyo (2011-2018), puis à la direction de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (2019-2022).


Kamel Mennour

Tandis que ces confrères les plus entreprenants se développent à l’international, sa galerie reste établie exclusivement à Paris (à Saint-Germain-des-Prés et avenue Matignon). Kamel Mennour (né en 1965) est plus désireux de gagner en respectabilité qu’en surface. Entretenant des liens étroits avec de nombreux musées, Frac et centres d’art, le galeriste, présent sur les grandes foires, recherche la caution institutionnelle. En 2022, il recrute Sylvie Patry (directrice de la conservation et des collections au Musée d’Orsay) afin de définir une nouvelle orientation stratégique.


Camille Morineau

Que de chemin parcouru ! On l’oublierait presque tant l’enjeu de la féminisation de l’art est devenu consensuel, mais la conservatrice avait dû se battre en 2009 pour monter l’exposition « elles@centrepompidou ». Camille Morineau (née en 1967) a quitté les musées pour œuvrer à la redécouverte des oubliées de l’art par le biais d’expositions, de publications et programme de recherche au sein de l’association qu’elle a créée : Aware. Celle-ci a pour ambition de réécrire l’histoire de l’art des XIXe-XXe siècles de manière paritaire en constituant des archives et des bases de données. Elle continue en parallèle à organiser des expositions.


Suzanne Pagé

Au Musée d’art moderne de la Ville de Paris ou à la Fondation Louis Vuitton, Suzanne Pagé (née en 1941) est une conservatrice respectée et admirée par ses pairs en France et à l’international. Ses trente-trois ans passés successivement à la direction de l’ARC – section contemporaine du Musée d’art moderne de la Ville de Paris –, puis à celle du musée lui-même ont fait autorité, tant pour le soutien aux artistes et le regard qu’elle a porté sur l’art moderne et contemporain que pour ses expositions de haute volée qu’elle a voulues accessibles à tous. À l’heure de la retraite de la fonction publique, elle a trouvé dans sa nomination à la direction artistique de la Fondation Louis Vuitton, en 2006, un autre cadre où poursuivre son éclairage sur des figures historiques de l’art et sur des artistes de la scène actuelle.


Alain Dominique Perrin

Grand collectionneur, entrepreneur insatiable, le PDG de Cartier (de 1975 à 1998), l’un des premiers à imaginer le mariage du luxe et de l’art, a en quelque sorte inventé le mécénat à la française. La Fondation Cartier pour l’art contemporain qu’Alain Dominique Perrin (né en 1942) a créée en 1984 s’apprête à quitter le bâtiment de verre signé Jean Nouvel qu’elle occupait boulevard Raspail, depuis 1994, pour un espace de plusieurs milliers de mètres carrés – dont 6 000 m2 dévolus aux expositions – dans l’ancien Louvre des Antiquaires, au cœur de la capitale. Elle y fêtera avec un an de retard – et sans doute somptueusement – ses quarante ans, consécration ultime pour cet homme d’affaires visionnaire passionné d’art.


Emmanuel Perrotin

À 21 ans, il a lancé sa première galerie. Depuis, il en a ouvert une vingtaine, à Paris et dans le monde, faisant de son nom une véritable marque. L’irrésistible ascension d’Emmanuel Perrotin (né en 1968) semble ne pas trouver de limites. Ou les dépasser, à chaque fois. Le galeriste doué pour les affaires a ainsi annoncé, pendant la foire Art Basel, à Bâle, en juin 2023, l’entrée programmée dans son capital du fonds d’investissement Colony, à hauteur de 60 %. Depuis, il a mis un terme à son association avec Tom-David Bastok et Dylan Lessel (cédant ses parts dans l’adresse parisienne consacrée au second marché et à Dubaï), a communiqué sur une collaboration avec la plateforme de vente eBay et inauguré une succursale à Los Angeles.


François Pinault

L’ancien négociant en bois veut entrer dans l’histoire comme le plus grand collectionneur d’art contemporain de son époque et, en redoutable homme d’affaires, il s’en est donné les moyens. Tout en affûtant son œil et en achetant des œuvres de toutes époques, François Pinault (né en 1936) développe un groupe dans la distribution (La Redoute, Le Printemps…) avant de lui faire prendre un virage radical vers le luxe en 1999. Un an avant, anticipant la fin du monopole des commissaires-priseurs en France, il achète Christie’s. Puis il ouvre plusieurs lieux (Palazzo Grassi à Venise, Bourse de commerce à Paris) pour montrer sa collection et y organiser des expositions finement ciselées. Aimant rester dans l’ombre, son influence sur le milieu de l’art n’en est pas moins considérable.


Sylvie Ramond

Il ne faut pas se fier à sa voix fluette et à sa douceur, la directrice des musées d’art de Lyon est dotée d’un solide caractère et d’une capacité de travail qui forcent le respect. En vingt ans à la tête du Musée des beaux-arts de Lyon, la conservatrice (née en 1959) a transformé la stature de cette institution pour en faire l’une des plus dynamiques du pays. Sous son mandat, l’établissement a mené une politique offensive d’acquisitions faisant, entre autres, entrer dans ses collections un tableau d’Ingres, deux de Poussin et trois de Soulages. La programmation n’est pas en reste puisque le musée a organisé, en collaboration avec de prestigieux établissements internationaux, des expositions très remarquées.


Suzanne Tarasiève

Avec son entrain, sa gouaille, son exubérance, Suzanne Tarasiève (1949-2022) ne passait pas inaperçue. Elle avait surtout la capacité de soulever des montagnes, d’exposer et de faire venir en 1998 à Barbizon (là où elle a créé sa première galerie) aussi bien Georg Baselitz que Markus Lüpertz, et faisant preuve d’une énergie inépuisable. Passionnée par l’art contemporain, elle était entièrement dévouée à son métier et à ses artistes qu’elle défendait avec une conviction exemplaire. Totalement atypique, Suzanne Tarasiève l’est même restée jusqu’à son décès puisqu’elle a légué sa galerie à ses quatre assistants, aujourd’hui associés pour perpétuer l’aventure.


Daniel Templon

Il est le dernier des Mohicans. À 79 ans dont 58 ans passés en galerie, Daniel Templon (né en 1945) est en effet le seul galeriste de sa génération encore actif. Et même de plus en plus, comme en témoigne depuis quelques années l’ouverture de trois nouvelles galeries, une à Bruxelles en 2013, une rue du Grenier Saint-Lazare à Paris en 2018 et une à New York en 2022 (dirigée par son fils Mathieu). S’il figure encore aujourd’hui parmi les plus importants galeristes français, Daniel Templon le doit à sa fidélité à certains artistes (Jean-Michel Alberola depuis 1981), à son insatiable curiosité qui le pousse à toujours montrer de nouveaux talents et à sa capacité à s’adapter aux nouveaux courants, à l’exemple des artistes contemporains africains et indiens.

Notices rédigées par Jean-Christophe Castelain, Christine Coste, Henri-François Debailleux, Isabelle Manca-Kunert, Marie Potard et Anne-Cécile Sanchez.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°630 du 29 mars 2024, avec le titre suivant : 30 personnalités qui ont marqué la scène française

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