Y’a de l’eau dans les gazomètres

L'ŒIL

Le 1 février 2002 - 434 mots

Grâce à deux gigantesques chantiers achevés quasiment au même moment, Vienne est devenue l’une des capitales européennes de l’architecture en 2001. Parallèlement à l’inauguration du MuseumsQuartier, s’achèvent les travaux d’aménagement des quatre gazomètres historiques dans le XIe arrondissement. Constructions classées datant de la fin du XIXe siècle et servant à l’époque au stockage du gaz pour les foyers viennois, les gazomètres furent mis hors service en 1985-86. Ces monuments témoignent de l’art des ingénieurs qui construisirent, sous la direction de Theodor Hermann entre 1896 et 1899, 11 gazomètres situés près de la voie ferrée austro-hongroise, dans le quartier de Simmering. Sur les 11 monuments d’origine, sept ont été supprimés et les quatre autres ont accueilli pendant des années des événements culturels alternatifs, les raves et clubbings du Gasometer qui ont marqué la jeunesse viennoise. Tout cela est désormais du passé. Il y a cinq ans, la municipalité a décidé de réaménager les quatre gazomètres en habitations, bureaux, galeries marchandes, cinémas... provoquant une spéculation immobilière. Le réaménagement des quatre espaces a été confié à des architectes différents afin de créer un ensemble varié mais néanmoins homogène.
En effet, la façade classée reste, théoriquement, non modifiable. Parmi les architectes choisis, trois Autrichiens et un Français. Jean Nouvel a développé le concept du gazomètre A, Coop Himmelblau celui du gazomètre B. Le C est pris en charge par Manfred Wehdorn et le D par Wilhelm Holzbauer. Les quatre constructions sont reliées au niveau du rez-de-chaussée par une immense galerie marchande, tandis que les sous-sols ont été transformés en parkings. Un hall multifonctionnel, prévu pour organiser des événements et pouvant accueillir jusqu’à 4 000 visiteurs, se situe dans le socle du gazomètre B. Au total, 844 appartements (dont 78 réservés à des étudiants), 110 000 m2 de bureaux et 17 650 m2 de superficie commerciale sont mis à la disposition des habitants. Les prix très attractifs font qu’à ce jour 85% des appartements sont déjà vendus. Les polémiques autour de cet ambitieux projet sont à l’ordre du jour. Bien que monument classé, la structure historique n’a finalement pu être réellement conservée. L’unité des quatre gazomètres a été abandonnée au profit d’un gigantesque « bouclier » imaginé par Coop Himmelblau et placé devant le gazomètre B, cachant ainsi la vue de ce dernier. La presse parle de décor dépourvu de sens, le tout représentant un investissement financier sans précédent qui, comme le disent les mauvaises langues, servirait uniquement à justifier la destruction totale des gazomètres. Attendons de voir et demandons à ceux qui, selon les promoteurs immobiliers, habitent un appartement situé dans l’une des meilleures adresses de la ville.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°533 du 1 février 2002, avec le titre suivant : Y’a de l’eau dans les gazomètres

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