Wikipédia (6/7) : La conquête de la photographie

lejournaldesarts.fr

Le 30 décembre 2011 - 680 mots

PARIS [30.12.11] - Encore aride en matière d'illustrations, l'encyclopédie en ligne développe de plus en plus une politique de production de contenus multimédia, tout en nouant des partenariats avec des institutions, des entreprises ou des photographes. Mais le chemin est encore long...

La licence libre : voilà un terme qui effraie ou enthousiasme les acteurs de la culture. Sur Wikipédia, cette licence permet d'utiliser et de diffuser la reproduction d'œuvres d'art pour tous les usages, y compris une utilisation commerciale, du moment que la source est citée. Autant dire que la licence libre est considérée comme une boîte de Pandore par ses opposants, qui estiment qu'elle bafoue le droit d'auteur et qu'elle nuirait à terme au travail des photographes professionnels.

En 2009 déjà, le rapport ministériel Ory-Lavollée sur les données publiques culturelles numériques préconisait de « reconnaître que la contemplation des œuvres peut prendre la forme de l'appropriation, de la transformation et de la circulation qui caractérisent les usages actuels de l'internet ; d'accepter que les réutilisations soient, sur les sites tiers, associées à des services n'ayant rien de culturel ; et dans les deux cas, de laisser la diffusion des œuvres échapper en partie, mais non sans régulation, aux professionnels de la culture ».

Une recommandation qui passerait par certaines restrictions pour les sites collaboratifs tels que Wikipédia, comme une résolution numérique limitée (sous forme de vignette par exemple) et l'obligation de créer des liens vers les institutions détentrices des images (INA ou RMN par exemple).

Pour l'instant, la RMN refuse toute collaboration avec Wikipédia, ce qui n'est pas le cas en France de la BNF ou d'autres acteurs privés.

Le Studio Harcourt, par exemple, a commencé à publier en juin 2010 sur Wikimedia Commons une partie de ses fameux portraits en noir et blanc. Une centaine de clichés en haute résolution sont déjà disponibles et permettent d'illustrer les articles de Wikipédia.

Pour pallier certains manques en matière de patrimoine, l'association Wikimédia France a lancé le concours photographique « Wiki Loves Monuments » en septembre dernier à l'occasion des Journées du Patrimoine. A partir d'une liste établie sur Wikipédia, s’appuyant sur la base publique Mérimée, chaque internaute pouvait participer en déposant ses clichés sur Wikimedia Commons, en respectant bien-sûr la législation sur le droit d'auteur. Le succès a été au rendez-vous avec 25 000 photos de monuments français ajoutées.

Mais parmi les bâtiments photographiés, aucun du XXe siècle, en raison du droit d’auteur des architectes.. Cette absence est devenue le cheval de bataille de Wikimédia France.

Le 23 novembre dernier, l'Assemblée nationale rejetait une proposition d'amendement surnommé « amendement Wikipédia » par ses détracteurs, visant à introduire la « liberté de panorama » dans le droit français. Cette exception au droit d'auteur permet de reproduire une œuvre protégée se trouvant dans l'espace public, qui existe dans un grand nombre de pays européens (dont l'Allemagne, l'Espagne ou l'Irlande). En France, la reproduction de façades de bâtiments dont l'architecte est mort il y a moins de 70 ans est actuellement soumise à l'accord de ses ayant-droits. Concrètement, cela implique que les stations de métro d'Hector Guimard (mort en 1942) ou le Stade de France ne peuvent être présents dans les projets Wikimedia francophones.

« Une aberration » selon Rémi Mathis de Wikimédia France, qui milite pour l'introduction de la liberté de panorama en France. Les wikipédiens français ont quant à eux voté pour le maintien de l'exception au droit d'auteur sur les bâtiments récents, flirtant de la sorte avec l'illégalité.

Le mouvement général vers la libre diffusion rencontre cependant des obstacles ponctuels, comme la récente interdiction de photographie au Musée d'Orsay, rendue effective en juin 2010, au grand dam des internautes et des visiteurs...

La licence libre a donc encore du chemin à parcourir pour convaincre les professionnels de la culture de son intérêt et de ses bienfaits. Elle est aujourd'hui incompatible en l'état avec le droit français : des compromis sont recherchés, souvent au cas par cas avec les institutions culturelles, qui semblent avoir bien compris dans leur majorité que la politique du « laisser-faire » leur est préjudiciable.

La semaine prochaine, « La fin des encyclopédies classiques ? » pour conclure notre série sur Wikipédia.

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