Art ancien

Une histoire de l’art français par le dessin

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 26 février 2020 - 615 mots

PARIS

Vingt-cinq ans après le Louvre, le Petit Palais présente la prestigieuse collection Prat.

Ses yeux sont bandés, ses cheveux volent au vent. Elle sourit. Cette allégorie de la Fortune dessinée par Pierre-Paul Prud’hon réjouit Louis-Antoine Prat chaque fois qu’il gravit l’escalier de son appartement parisien, qui abrite l’une des plus importantes collections privées de dessins au monde, la première à avoir été exposée au Louvre, en 1995. À partir du 24 mars, cette Fortune sourira aux visiteurs du Petit Palais, avec plus de 180 dessins de la collection qu’il a constituée avec sa femme Véronique Prat. Le premier dessin qu’ils achètent, en 1974, est un portrait d’André Breton par Max Ernst – Véronique Prat est la petite-fille de Philippe Soupault, l’auteur avec Breton des Champs magnétiques (1919). Louis-Antoine et Véronique Prat sortent alors de l’École du Louvre, et viennent de recevoir un apport d’argent. « Nous avons commencé à acheter des dessins italiens, hollandais, et aussi quelques peintures… », raconte Louis-Antoine Prat.

Une collection resserrée

Dix ans plus tard, leur collection prend un nouveau tournant : les Prat, suivant la leçon des frères Goncourt qui préconisent de se consacrer à une époque et une école pour constituer une collection cohérente, décident de s’intéresser désormais au seul dessin français. En 1995, ils resserrent ses limites temporelles du XVIIe au XIXe siècle, en abandonnant le XXe. L’année précédente avait en effet été celle de l’exposition Nicolas Poussin au Grand Palais. Louis-Antoine Prat en avait été le commissaire avec Pierre Rosenberg, avec lequel il a aussi cosigné le catalogue raisonné des dessins de l’artiste. Parmi les œuvres exposées, un dessin intitulé L’Enlèvement de Proserpine, un des rares du peintre en mains privées. Un an plus tard, les Prat vendent une centaine de dessins du XXe siècle pour pouvoir acquérir celui-ci. « Nous avons dû faire des arbitrages pour constituer un ensemble qui a un sens. À une époque, nous avions plus de 1 000 dessins. Aujourd’hui, notre collection en compte 220 : elle s’est amoindrie, mais fortifiée », remarque Louis-Antoine Prat.

De fait, cette collection raconte par ses dessins l’histoire de l’art français, de Callot à Seurat, en passant par Le Brun, Ingres, Delacroix, Degas et Cézanne. « Nous aimons particulièrement les dessins liés à des tableaux », confie Louis-Antoine Prat. Comme celui lié à L’âme brisant les liens qui l’attachent à la terre de Prud’hon, tableau offert au Louvre par la Société des amis du Louvre, dont Louis-Antoine Prat est président.

Une invitation au voyage

Car la collection Prat révèle aussi la sensibilité de ce couple de passionnés, qui préfèrent accrocher tous leurs dessins aux murs plutôt que les ranger dans des cartons. « Nous voulons vivre avec eux », confie le collectionneur. La figure humaine y est très présente. « Nous préférons aussi les siècles impairs », souligne-t-il. Ce qui n’empêche pas qu’un certain nombre des dessins les plus chers de sa collection soit du XVIIIe, « mais pas le XVIIIe trop doux du “siècle des grâces” », précise Louis-Antoine Prat. En témoignent un satyre de jeunesse de François Boucher ou une femme portant un enfant de Watteau, de la série des Savoyards : « J’aime la puissance de sa technique, ce mélange de sanguine et de pierre noire, la violence des accents de pierre noire, et la force de l’empathie pour cette femme misérable qui s’exprime. Cette figure s’inscrit parfaitement dans la tradition française, c’est un jalon entre Le Nain et Chardin, qui n’ont pourtant pas beaucoup dessiné. » Comme cette femme pauvre, les figures de la collection Prat racontent ou évoquent des histoires – on y admire d’ailleurs plusieurs dessins de Hugo ou Baudelaire. Une « invitation au voyage », à une vie derrière les pages des livres et des dessins, où « tout n’est qu’ordre et beauté/luxe, calme et volupté ».

« La force du dessin. Chefs-d’œuvre de la collection Prat »,
jusqu’au 12 juillet 2020. Petit Palais, avenue Winston-Churchill, Paris-8e. Tous les jours de 10 h à 18 h, jusqu’à 21 h
le vendredi, fermé le lundi. Tarifs 11 et 9 €. Commissaires : Pierre Rosenberg et Christophe Leribault. www.petitpalais.paris.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Une histoire de l’art français par le dessin

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