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Une « chaotique fécondité » préside à la réouverture du Palais de Tokyo

Par Thomas Bizien · lejournaldesarts.fr

Le 13 avril 2012 - 881 mots

PARIS

PARIS [13.04.12] – La peinture encore fraîche, le Palais de Tokyo a entre-ouvert ses portes pour 30 heures de festivité. Foule compacte et programmation de grand soir, un joyeux désordre au bonheur de l’art. Récit des 26 premières heures.

11h00 S’appuyant sur une citation de Laurent Derobert, artiste mathématicien dont certaines équations coiffent les vitres du Palais de Tokyo, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand compare le centre à une « force d’attraction de l’être rêvé ». Le duo d’architecte Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, s’attèle ensuite à présenter la rénovation. Leur travail se distingue d’une « réhabilitation » expliquent-ils, en ceci qu’il ne vise pas à cacher les défauts du bâtiment, mais à laisser visible son caractère « industriel ». Le parterre de journalistes semble un brin déçu, d’autant plus que sur les 22.000 mètres carrés annoncés, moins sont effectivement accessibles. La Triennale en préparation, des œuvres en montage empêchent de découvrir les nouvelles perspectives. Le duo d’architecte rectifie, ce soir est donné à voir, les « coulisses d’une métamorphose ».

13h00 Au déjeuner, Benoit Pype sort les yeux de son assiette. Est-il à la recherche de bouloche, fils et autres matériaux pouvant venir former ses sculptures de fonds de poches ?
Il s’apprête à rejoindre sa table de travail pour continuer son œuvre minimaliste, dont la fragilité risque d’être mise à rude épreuve devant la foule attendue. D’autant plus que ses « bureaux spécifiques » côtoient le mini circuit de voitures téléguidées de l’artiste australien Lucas Abela, une installation hybride qui promet de faire des émules.

19h00 Tel un Sisyphe des temps modernes Claude Cattelain se met au travail. La nuit durant, l’artiste n’aura de cesse de bâtir des structures précaires avec des rebuts de planches, lattes et poutres. Condamnées à la chute, ces installations ne trouvent que pour un temps le fragile équilibre. Non loin du spectacle, Marc-Olivier Wahler, ancien directeur du Palais de Tokyo, félicite Jean de Loisy du nouvel agrandissement. Une extension qu’il avait lui-même tenté de mettre en place. Le « rêve devient réalité » confie-t-il, avant d’annoncer que sa dernière exposition, le prestige, prendra place dans un lieu encore tenu secret. Ses Chalets Society sont eux, censés ouvrir en septembre prochain.

20h00 La file d’attente s’étend jusqu’au Musée Guimet. Parmi les curieux, Jérôme Sans, co-directeur historique et fondateur de l’institution est ému du dynamisme retrouvé. Avant d’encourager le travail de Jean de Loisy, il souhaite que sa programmation soit à l’image des premières heures, impulsives, libérées et joyeuses : « S’il y a des règles, c’est foutu » asserte-t-il.

21h00 Invité par Rebecca Lamarche Vadel depuis Berlin où il réside, le chanteur Istvan Danko prend de nouveau le micro dans la nouvelle esplanade du rez-de-chaussé. Il ne le lâchera plus, dans un style unicorne venu envoûter les groupes attenants. « L’art contemporain est un risque nécessaire » dit la jeune curatrice. Dans les environs, Orlan, ancienne membre du conseil d’administration du Palais, se réjouit que le lieu ait pu retrouver « l’énergie de l’époque de Bourriaud ». Les expositions de Marc-Olivier Wahler, marquées par leurs lignes épurées, contrastent en effet avec le foisonnement de ce jour d’ouverture.

22h00 Dans un décor digne d’un film d’Indiana Jones, le collectif d’artiste Zerep organise des performances autour d’oiseaux de montagnes. Des vautours puis des faucons survolent la foule un brin effrayée. Est-ce suffisamment chaotique pour le nouveau président des lieux, Jean de Loisy ? En maître du désordre, il affirme « la nécessité d’un chaos pour encourager la fécondité ».

22h30 « Le Corps Collectif », un groupe d'une dizaine de jeunes artistes dénudés s'enduisent mutuellement d'un liquide de couleur bleu opale. Ils interprètent La Meute, performance transgenre qui les voit en cadence traverser les espaces, parfois grinçant comme des bêtes sauvages, parfois soumis, comme lorsqu'ils étalent leurs corps aux pieds de visiteurs. Daria de Beauvais, curatrice du palais depuis la première époque, regarde le spectacle avec émotion. Elle salue la présence des anciens directeurs, et affirme la continuité d'une programmation exigeante, tournée vers le dialogue avec les artistes.

23h00 Sous l’œil bienveillant de Michel François, Jacques Lizène, perruque en forme de crête dressée sur la tête, se promène tout sourire dans les méandres des sous-sols. Certaines œuvres du « petit maître liégeois de la médiocrité », mi guitare mi pioche, sont accrochées aux murs. A sa demande un trio joue Beethoven à l’envers. Pour l’art d’attitude, créer une forme c’est avant tout l’habiter.

23h30 L’ancienne salle principale de la cinémathèque française s’est transformée en salle de concert. Au dernier sous-sol, La Chatte inaugure le lieu avec la présentation de son second album. Boucles New Wave, guitare en cadence, le public semble apprécier. Des Djs viendront la nuit durant renouveler la set list.

01h30 La foule, toujours dense, est invitée à donner ses larmes. A l’initiative des étudiants des Beaux-Arts d’Avignon, cette performance vise à raviver le souvenir de l’histoire d’amour que le poète Pétrarque vouait à sa Laure. En cas de carence émotive, les étudiants peuvent indexer une goutte à la joue ou donner à manger une larme dans sa version moléculaire. Des vignerons du Rhône s’attèle l’heure d’après à faire un cru des larmes récoltées. Un nouveau millésime qui viendra encenser le dynamisme d’un Palais rénové.

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Soirée d'inauguration des nouveaux espaces du Palais de Tokyo - 12 avril 2012 - © photo Ludosane

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