Restitutions

Un rapport pointe du doigt le manque de volonté des musées américains de restituer des œuvres spoliées

Par Julie Paulais · lejournaldesarts.fr

Le 1 juillet 2015 - 614 mots

ETATS-UNIS [01.07.15] – L’Organisation juive mondiale de restitution (WJRO) a publié le 25 juin un rapport accusant plusieurs musées américains d’être trop litigieux et de se servir des délais de prescription pour éviter les demandes de restitutions d’œuvres spoliées. Elle appelle l’Alliance américaine des Musées à faire mieux appliquer ses normes.

L’Organisation juive mondiale de restitution (WJRO) vient de publier un rapport concernant les approches actuelles des musées américains dans les affaires de revendication d’œuvres spoliées pendant l’Holocauste, rapporte le site Hyperallergic. Cet organisme travaille depuis 1993 à la restitution des biens saisis aux familles juives pendant l'Holocauste, y compris la restitution des œuvres d'art volées par les nazis. Le rapport démontre que les grands musées américains utilisent des mécanismes juridiques, comme le délai de prescription, afin d’éviter la résolution sur les faits et le fond des réclamations de victimes de l'Holocauste et de leurs héritiers.

Le WRJO pointe du doigt notamment cinq grands musées américains, le Toledo Museum of Art, le Detroit Institute of Arts, le Museum of Modern Art de New York, le Museum of Fine Arts de Boston, et le Fred Jones Jr. Museum of Art de l’Université d’Oklahoma, pour lesquels il a analysé des cas récents de traitement de demandes de restitutions qui n’ont pas abouties en raison d’un manque certain de volonté selon l’organisme, et en faisant appel au délai de prescription pour esquiver la restitution. « L'utilisation de ces moyens de défense procéduriers est une tentative de vaincre les demandes de restitution des œuvres d'art volées par les nazis en évitant tout verdict concernant la substance de ces revendications ».

Le WRJO critique également l’attentisme de l'Alliance américaine des Musées (AAM), l'organisme chargé d’élaborer des normes pour de meilleures pratiques dans les musées américains, qui refuse de prendre des mesures pour veiller à ce que les musées respectent ses recommandations. En effet, l’AAM a publié des normes concernant l'appropriation illégale d'objets pendant la période nazie, qui stipulent que les institutions membres doivent répondre à des réclamations « ouvertement, sérieusement, et avec le respect de la dignité de toutes les parties concernées. Chaque demande doit être examinée selon ses mérites propres ».

Le WRJO s’appuie dans son argumentaire sur deux autres textes essentiels, ratifiés par les Etats-Unis : les Principes de la Conférence de Washington, approuvés par 44 pays en 1998, et la Déclaration de Terezin, signée par 46 pays en 2009 lors d’une conférence internationale sur l'Holocauste à Prague. Tous deux disent en substance la même chose, à savoir que les demandes de restitutions doivent être examinées « d’après leurs faits et mérites propres ».

Par ailleurs, le rapport comprend une brève comparaison entre musées américains et européens, notant que si les États-Unis étaient un chef de file dans la mise en place des principes de restitution aux origines, l'Europe a récemment fait un bien meilleur travail. Les auteurs créditent ceci à la création de « processus nationaux de mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends » dans les pays tels que l'Autriche, la France et le Royaume-Uni, et continuent en citant Douglas Davidson, l'ancien envoyé spécial des États-Unis sur les questions de l'Holocauste, qui attribue cette différence au fait que les musées européens sont en grande partie publics, tandis que les institutions américaines sont essentiellement privées.

Le rapport conclue en recommandant aux musées américains à mieux se conformer à ces normes internationales et en enjoignant l’AAM à veiller à ce que les musées accrédités par elle respectent les lignes directrices de son texte en s’abstenant de bloquer des demandes de restitutions pour des raisons techniques. Le WRJO suggère également que la législation devrait considérer l’extension de ces délais de prescription, contraires à l’arbitrage sur les faits et mérites.

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Rue de Tahiti (1891) de Paul Gauguin qui a été l'objet d'une restitution du Toledo Museum of Fine Art aux héritiers de Marta Nathan © Photo The Athenaeum

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