Enseignement - Histoire de l'art

Un manuel scolaire d’histoire de l’art pointé du doigt par l’Éducation nationale

Par Romain Bouvet · lejournaldesarts.fr

Le 25 janvier 2013 - 683 mots

PARIS [25.01.13] – Un rapport de l’Éducation nationale dénonce les nombreuses erreurs qui émaillent le contenu d’un livre censé préparer les collégiens à l’épreuve d’histoire de l’art du Brevet. L’ouvrage contiendrait des propos tendancieux sur le nazisme, une accusation réfutée par la maison d’édition.

Depuis l’introduction de l’histoire des arts dans l’enseignement secondaire – initiative lancée par Nicolas Sarkozy en 2008 - la discipline n’est plus le seul apanage des spécialistes et autres universitaires. La création d’une épreuve orale d’histoire de l’art au diplôme national du Brevet en 2010 a d’ailleurs contribué à accentuer cet état de fait. Conséquence de ce changement de « statut », les maisons d’édition développent à présent de nouveaux types d’ouvrages scolaires consacrés aux arts. L’idée est cependant encore neuve et la vulgarisation est un art délicat.

En témoigne le cas très particulier du Cahier d'histoire des arts pour préparer l'oral du Brevet édité par la maison d’édition Hatier. L’ouvrage en question a fait l’objet en septembre 2012 d’un rapport interne de l’inspection générale de l’Education nationale, rendu public par Europe 1 qui a révélé l’affaire.

Si l’on se fie au seul rapport, une des seules qualités de l’ouvrage serait sa prise en main particulièrement aisée. Le reste de l’étude n’est qu’une longue liste qui recense point par point les nombreuses inexactitudes dont semble truffé le Cahier. Que le Guernica de Picasso y soit présenté comme une œuvre résolument cubiste n’est cependant pas « gravissime ». Mais au fil du rapport, certaines remarques retiennent l’attention. Comment se fait-il par exemple que la seule critique d’art que contienne ce court volume de 48 pages soit de la main d’Adolf Hitler ? La présentation et les problématiques abordées par le Cahier ne semblent cependant laisser aucun doute sur la bonne foi des auteurs et des éditeurs.

« Les fortes réticences qu’appelle cet ouvrage ne sont donc liées ni aux objectifs qu’il se donne […] mais se justifient par des contenus qui contredisent les objectifs affichés et même faussent, de manière insidieuse, l’esprit de l’enseignement » conclut le rapport. Cette étude s’attarde d’ailleurs longuement sur l’exemple le plus frappant de cette affirmation, un chapitre consacré au Porte-glaive, œuvre de l’Allemagne nazie réalisée par le sculpteur Arno Breker. Les auteurs du Cahier tentent notamment une comparaison entre la sculpture grecque et le Porte-glaive mais sans mettre en avant les différences fondamentales entre cette sculpture de Breker (dont l’œuvre s’éloigne autant que possible du canon grec) et les nus héroïques de l’antiquité.

Ils tentent également de fournir quelques informations sur la hiérarchie des races employée par les nazis. Mais là encore, si l’on comprend que l’intention de départ était bonne, la maladresse avec laquelle le propos est exposé pourrait amener un jeune lecteur à tirer de mauvaises conclusions. Au travers de phrases telles que « l'Aryen se définit par un esprit conquérant et un corps sain, vigoureux, parfaitement proportionné » ou « Cette sculpture représente un Aryen, modèle de l’homme idéal pour les nazis… », l’ouvrage tend à faire passer le racisme nazi pour un « idéal » et l’existence de la « race aryenne » pour une réalité. « Cette phrase présente donc cette prétendue "définition" comme un absolu », s'alarme d’ailleurs le rapport de l'Éducation nationale, qui conclut son analyse en recommandant aux professeurs et aux parents « la plus extrême prudence dans l’usage de ce livret. »

Célia Rosentraub, directrice générale des éditions Hatier s’est déclarée « indignée que ce rapport puisse faire croire que notre maison tienne des propos tendancieux sur l’idéologie nazie. Ce cahier n'est pas un manuel scolaire et n'a jamais prétendu être exhaustif » a-t-elle expliqué, ajoutant que si les experts mandatés pour produire le rapport étaient des spécialistes de l’histoire de l’art, le Cahier s’adressait aux élèves – néophytes- de classe d’histoire-géographie.

« J'aurais aimé discuter avec les auteurs du rapport et confronter nos points de vue, mais je n'ai pas encore eu de réponse », a déploré l'éditrice, qui a contacté l'Education nationale il y a déjà plusieurs semaines. « Je laisse le ministère décider de ce qu’il a à faire » a-t-elle conclu.

Légende photo

Corinne Chastrusse, Jean Claude Martinez, Cécile Aguiar, Claudine Habets, Julie Moreau, Cahier d'histoire des arts de 3e pour préparer l'oral au Brevet, coll. « Enseignement des arts », éd. Hatier, Paris, 2012, 48 pages. - source www.editions-hatier.fr

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