Trois ans après la destruction de graffitis célèbres, des artistes demandent réparation

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 8 novembre 2017 - 610 mots

NEW YORK (ETATS UNIS) [07.11.17] - Des graffitis peuvent-ils être protégés par la loi fédérale? C'est la question à laquelle un jury new-yorkais doit répondre cette semaine, trois ans après la destruction d'un site aux graffitis célèbres dans le monde entier.

L'affaire oppose 21 artistes à un entrepreneur immobilier, Jerry Wolkoff. Leurs avocats se sont opposés pendant un procès trois semaines, portant sur la destruction du projet 5Pointz, qui fut longtemps la "Mecque du graffiti", attirant artistes et touristes du monde entier. Pendant près de vingt ans, la famille Wolkoff a convié les graffeurs à venir démontrer leurs talents sur les murs de cette usine abandonnée du quartier du Queens, au point d'en faire "le plus grand musée du graffiti en plein air", selon un avocat des artistes.

Mais en 2014, l'embourgeoisement gagnant ce quartier facile d'accès depuis Manhattan, M. Wolkoff a rasé le bâtiment après en avoir repeint les murs en blanc, pour faire place à de luxueux gratte-ciels résidentiels. Les artistes ont saisi la justice pour réclamer des indemnités, arguant que le propriétaire aurait dû leur donner la possibilité de sauver leurs oeuvres avant de tout détruire. Ils invoquent une loi fédérale méconnue de 1990 sur la protection des arts visuels, qui stipule que toute oeuvre reconnue mérite protection. "Ce n'est pas facile mais je compte sur vous", a lancé lundi, à la clôture des plaidoiries, le juge fédéral new-yorkais Frederic Block aux jurés qui doivent maintenant délibérer. Le jury doit décider si les 49 graffitis qui ornaient le site étaient tous "reconnus", si leur blanchiment constitue une atteinte à l'oeuvre et si cela a porté préjudice aux artistes.

Dignes du Met et du MoMA
Si la réponse est oui, ils pourraient se voir accorder des milliers de dollars de dommages et intérêts. 5Pointz était loin des graffitis des années 1970 et 1980, réalisés à la sauvette, la nuit, par des artistes jouant au chat et à la souris avec la police. Les taggeurs de toutes origines étaient invités à créer librement avec leurs bombes à aérosols, sous le regard admiratif des connaisseurs, des touristes et des passagers de la ligne de métro aérien toute proche. Jusqu'à sa démolition, le site attirait familles et enseignants, contribuant à réduire la criminalité dans ce quartier de Long Island City, a fait valoir Eric Baum, un avocat des artistes. "L'art doit être protégé, il doit être chéri, pas détruit", a-t-il ajouté. Renee Vara, experte en art de l'université de New York (NYU) citée comme témoin au procès, a comparé 5Pointz "au Metropolitan Museum ou au MoMA", deux des plus célèbres musées new-yorkais.

Les artistes, qui avaient à l'époque saisi la justice pour essayer d'empêcher la démolition, affirment que M. Wolkoff avait l'obligation de leur donner trois mois de préavis avant de détruire leurs oeuvres. Et qu'il a porté atteinte à leur honneur et à leur réputation en ne le faisant pas.

Mais David Ebert, l'avocat de Jerry Wolkoff, a fait valoir que les artistes savaient dès le départ que le bâtiment serait détruit et que rien ne prouvait que leur réputation en avait pâti. Dès l'été 2012, les médias new-yorkais annonçaient en effet sa prochaine démolition, alors que le blanchiment n'est intervenu qu'en novembre 2013. "Le blanchiment a bien sûr été bouleversant", a reconnu M. Ebert. "Nous ne le nions pas mais cela ne veut pas dire que nous devons vous donner de l'argent". Il a aussi souligné que rien ne prouvait que les artistes ont perdu travail, argent ou possibilités de carrière à cause de 5Pointz - bien au contraire. "Je ne comprends pas comment Jerry est devenu le méchant, alors que les artistes devenaient des anges", a-t-il lancé.

Jennie MATTHEW
 
Le Journal des Arts.fr

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