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Sotheby’s New York accusée de tromperie dans l’affaire de la statue khmère

Par Anouk Rijpma · lejournaldesarts.fr

Le 15 novembre 2012 - 699 mots

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

NEW YORK [15.11.12] – La justice américaine accuse Sotheby’s New York de collusion avec le propriétaire de la statue khmère, dans le but de masquer des informations attestant de son vol en 1972 sur le site religieux de Koh Ker.

Si Sotheby’s New York – niant ne pas avoir été informée de la provenance illégale de la statue khmère - s’est dite prête à collaborer pour son retour au Cambodge, la justice américaine en revanche, ne cesse de multiplier les preuves en sa défaveur.

Dernière en date : le propriétaire de la statue - dont on ne connaît pas l’identité - aurait remis une attestation inexacte aux douaniers américains (au moment de son arrivée sur le sol américain en 2010), indiquant que celle-ci « n’était pas une propriété culturelle », appartenant à un site religieux. Et ce, à la demande de Sotheby’s.

Les procureurs fédéraux ont par ailleurs ajouté vendredi, qu’au moment de l’accord passé entre la maison de ventes et le propriétaire de la statue - quant à son transfert de Belgique à New York - les deux parties avaient apparemment pleinement connaissance de la provenance illégale de la dénommée Duryodhanna, du temple cambodgien Prasat Chen. Des allégations que la maison de ventes s’est empressée de nier quatre jours plus tard.

Quant à sa date de sortie du Cambodge, le gouvernement américain accuse Sotheby’s d’avoir fourni des « informations inexactes aux acheteurs potentiels, soit au Cambodge et aux Etats-Unis ». Laquelle défend à l’inverse, que la date ne pouvait être connue avec certitude, compte tenu des siècles passés après la chute du royaume khmer au XVe siècle.

A cela, s’ajoutent nombre d’ambiguïtés relatives aux accords internationaux en vigueur à l’époque et à la spécificité du statut du Cambodge, sous protectorat français jusqu’en 1953. Ainsi, « il ne pourrait exister de loi claire » légitimant les revendications du Cambodge en leur qualité de détenteur de cette statue, compte tenu des « 50 générations » qui séparent l’actuel régime de la date de la réalisation de l’œuvre(Xe siècle), a indiqué Sotheby’s. Constat par la suite corroboré par un juge fédéral, affirmant que le Cambodge n’en avait en effet pas la « propriété claire et établie ».

La vente aux enchères de la sculpture en mars 2011, avait été interrompue à la suite de la demande de restitution des autorités cambodgiennes de la dite Duryodhanna. Lesquelles réclament également une autre pièce : une guerrière dénommée Bhima se trouvant au Norton Simon Museum de Californie. Pour justifier de leur provenance géographique, les autorités cambodgiennes ont fait état de deux massifs piédestaux ayant servi de support aux deux statues.

Les enquêteurs fédéraux ont en outre relevé que ces statues faisaient partie de milliers de pièces pillées durant la guerre civile au Cambodge (1967-1975) et que les témoins cambodgiens se rappelaient les avoir aperçues à cet endroit. Les mêmes pilleurs auraient alors remis la statue à un intermédiaire thaïlandais, pour se retrouver ensuite dans les mains d’un collectionneur dont on ne connaît pas l’identité. Lequel l’aurait ensuite vendu à un marchand d’art anglais dénommé Spink, un fournisseur majeur de pièces asiatiques. Enfin, en 1975, la statue aurait été achetée par le mari – aujourd’hui décédé – d’une belge nommée Decia Ruspoli di Poggio Suasa, qui l’aurait ensuite vendue en 2010 par l’intermédiaire de Sotheby’s.

Le gouvernement américain accuse Sotheby’s New York d’avoir volontairement mis de côté le nom du collectionneur anonyme. La maison de ventes s’en est défendue, arguant de son absence de rôle dans l’affaire.

Anonymat toutefois démenti par un appel téléphonique de Bangkok, de Douglas A.J. Latchford, collectionneur d’art asiatique, et conseiller du gouvernement cambodgien sur les antiquités khmères. Celui-ci a revendiqué l’identité du dit collectionneur, ajoutant que Spink avait acheté la statue en Thaïlande fin 1971 et rejetant au passage les accusations du gouvernement selon lesquelles lui et Spink savaient que la statue avait été pillée.

Eu égard à la Convention de 1970 des Nations Unies relative au trafic illicite des biens culturels - visant notamment à protéger le patrimoine culturel des pillages - la date revêt ainsi une importance majeure, au risque que les musées américains n’interrompent quelconque achat d’antiquités sans la preuve qu’elles aient quitté leur pays avant 1970.

Légende photo

Temple Koh Ker datant de la Dynastie Khmer où la statue fut dérobée, Angkor, Cambodge - © Photo thomaswanhoff - ANNEE - Licence CC BY-SA 2.0

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