« Plaisirs de France » en Azerbaïdjan et au Kazakhstan : un montage bien difficile

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Le 12 mars 2012 - 721 mots

BAKOU (AZERBAIDJAN) [12.03.12] - L’exposition hautement diplomatique qui s’ouvre en Azerbaïdjan et implique de nombreux musées français a connu un accouchement difficile. La RMN-Grand Palais, en particulier, y est allée à reculons.

L’exposition « Plaisirs de France » qui se tient depuis le 10 mars et jusqu’au 6 mai 2012 à Bakou, en Azerbaïdjan avant de partir pour la capitale du Kazakhstan du 31 mai au 29 juillet, aura été bien compliquée à monter. Lancée à l’initiative du ministre de la Culture, « à la demande des pays d’accueil, qui souhaitaient rendre hommage à la culture française » selon son commissaire Philippe Costamagna, et à la suite d’une rencontre de Frédéric Mitterrand avec les premières dames de ces deux pays, Mehriban Alieva (Azerbaïdjan) et Sara Nazarbayeva (Kazakhstan), cette manifestation est hautement diplomatique. Les instructions sont-elles venues du plus haut niveau de l’État français ? En tous les cas, Florent Stora, le conseiller diplomatique de Frédéric Mitterrand, serait monté au créneau sur ce dossier.

Ni les acteurs culturels, ni les entreprises sollicitées comme mécènes, ne semblent avoir été réellement demandeurs. Ainsi, la Fondation Total a-t-elle pour habitude de faire rayonner en France la culture des pays où le groupe est implanté, mais pas l’inverse. Aller promouvoir la scène et l’identité française à l’extérieur est plutôt jugé « arrogant » pour cette institution qui prêche le dialogue des cultures, estime un proche de ce dossier. La Fondation a préféré se mettre en retrait, laissant la main aux filiales locales de Total, très contentes par ailleurs de cette initiative. Christophe de Margerie, le président de Total, serait lui-même intervenu pour financer l’exposition, dont le coût a également été pris en charge par l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et l’État français, selon le commissaire.

Des enjeux qui s’entremêlent
Les enjeux économiques ne sont pas négligeables. Au Kazakhstan, pas moins de 160 gisements de ressources naturelles diverses et variées sont recensés: pétrole, gaz, plomb, titanium… En Azerbaïdjan, on trouve également du pétrole et du gaz. Mais il semblerait que les enjeux politiques aient pris le pas sur l’économie, la proximité de l’Azerbaïdjan et du Kazakhstan avec la Turquie pourrait aider à apaiser la tension diplomatique avec la Turquie, découlant de la loi sur le génocide arménien.

Cette exposition montée à la hâte n’a visiblement pas été du goût de la RMN-Grand Palais, qui a traîné les pieds, assurant essentiellement la logistique de l’opération et la réalisation du catalogue « dont il est évident qu’il ne sera pas rentable » confie-t-on. Sur le plan scientifique, la RMN ne s’est visiblement pas impliquée. L’exposition est certes dense, mais il n’y a « pas de propos artistique et les musées se sont fait tirer l’oreille pour certains, refusant de prêter leurs plus beaux chefs-d’œuvre » avoue-t-on. « Nous avons réussi par la volonté des musées, la RMN essayant de freiner le projet. Et nous avons laissé aux musées la liberté de choisir les œuvres prêtées » confirme Philippe Costamagna pour qui « l’exposition se veut chronologique et symbolise l’évolution de la pensée française ».

Parmi les pièces maîtresses, la Dame à sa toilette de l’École de Fontainebleau, prêtée par le Musée des beaux-arts de Dijon, La Marquise de Pompadour de François Boucher, venue du Louvre, Jérôme de La Lande. Portrait de l’Astronome par Fragonard, issu du Petit Palais et Profil de jeune fille de Maillol, prêté par le musée de Perpignan. Il y a aussi beaucoup d’œuvres photographiques ajoutées à la fin : Depardon, Ronis, Cartier-Bresson, Klein, Jacques Henri-Lartigue… Des galeries telles Perrotin, de Noirmont, Yvon Lambert, ont également prêté quelques créations contemporaines de Pierre et Gilles, Fabrice Hyber, Xavier Veilhan…

Au final, selon Laurent Bayle, le directeur de la Cité de la Musique, qui accompagnait le 10 mars le ministre à Bakou aux côtés de Jean-Paul Cluzel, président de la RMN-Grand Palais, ainsi que d’autres directeurs de musées, l’exposition est plutôt riche. Pas moins d’une centaine d’œuvres de la Renaissance à nos jours en effet, dont Ingres, Poussin, Greuze, Le Nain, Chardin, Fragonard, Delacroix, Degas, Cézanne, Braque, Monet, Le Corbusier, Matisse, Sophie Calle.

Le manque d’enthousiasme de la RMN-Grand Palais et la rapidité avec laquelle l’exposition a été montée, explique peut-être le choix du commissaire de l’exposition. Lors de l’ouverture du musée après sa rénovation, le ministre a été séduit par le lieu. Et le courant est bien passé avec Philippe Costamagna. « Nos goûts artistiques étant proches, le ministre a souhaité me confier cette exposition » explique le commissaire.

Légende photo :

La première dame d'Azerbaïdjan Mehriban Alieva, à l'origine du projet d'exposition « Plaisirs de France », avec son mari, le président Ilham Aliev - © Photo : Kremlin.ru - 2008 - Licence CC BY 3.0 

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