L’Allemagne invoque un « accord tacite » pour ne pas appliquer la TVA normale sur les objets d’art

Par Hélène Brunel · lejournaldesarts.fr

Le 7 mars 2012 - 622 mots

BRUXELLES (BELGIQUE) [07.03.12] - La Commission européenne a demandé officiellement à l’Allemagne de conformer sa législation sur la TVA au droit européen. L’Union lui reproche plus spécifiquement d’appliquer un taux de TVA réduit aux ventes d’objets d’art et de collection réalisées par des professionnels. Ce qui constitue une source de distorsions de concurrence au sein de l’Union et entre États. Soutenu par la scène culturelle nationale, le ministre allemand de la Culture dénonce une telle requête. PAR HÉLÈNE BRUNEL

Le 27 février 2012, la Commission européenne a adressé à l’Allemagne une demande de mise en conformité de ses règles fiscales avec les exigences européennes, concernant notamment le taux de TVA applicable aux livraisons d’œuvres d’art et d’objets de collection. Actuellement, le droit allemand retient pour les transactions effectuées par des marchands d’art un taux de taxation réduit, correspondant à 7 % du prix d’achat, quand les autres biens et services se trouvent grevés sur son territoire d’une TVA classique à 19 %. Or, le taux minimum requis par l’Union européenne pour ces opérations s’élève à 15 %.

Le système commun de TVA pour l’Union européenne est codifié par la directive 2006/112/CE, adoptée par le Conseil européen le 28 novembre 2006. Celle-ci prévoit que certains biens et services limitativement définis peuvent bénéficier de l’application d’un taux réduit de TVA. Mais cette liste ne comprend pas les livraisons d’objets d’art et de collection, pour lesquelles le taux normal doit donc être respecté.

Dès le lendemain de cette annonce, le ministre allemand de la Culture Bernd Neumann a dénoncé la demande de la Commission. Selon lui, l’augmentation de cette taxe serait une nouvelle épreuve pour le secteur culturel, déjà fragilisé par la crise financière. Les musées seraient les premiers touchés. Privés de dons philanthropiques, ces derniers deviendraient incapables de développer leurs collections.

Bernd Neumann s’est dit surpris par la demande de la Commission, invoquant l’existence d’un « accord tacite » autorisant le maintien de ce taux réduit, auquel la Commission européenne aurait décidé de mettre fin unilatéralement. Emer Traynor, la porte-parole du commissaire européen pour la Fiscalité, nous a indiqué qu’il n’y avait jamais eu aucun accord avec l’Allemagne. « La Commission exige seulement de l’Allemagne, comme des autres États membres, qu’elle suive les règles communautaires. Les États membres, l’Allemagne y compris, ont adopté les règles européennes à l’unanimité, en convenant qu’il ne devait y avoir aucune flexibilité dans leur interprétation. Quant à nous, nous devons être stricts sur la question des taux de TVA, afin de garantir l’équité au sein du marché unique ».

Toutefois, Emer Traynor a ajouté que la Commission ne contestait pas le droit de l’Allemagne à appliquer un taux réduit de TVA aux œuvres d’art. « Les œuvres vendues par l’artiste, son successeur ou, dans certaines situations, par un vendeur non professionnel peuvent toutes bénéficier d’un taux réduit. Par ailleurs, les gouvernements ont le choix entre de nombreux autres leviers pour soutenir le secteur de l’art, comme les subventions par exemple. » « D'autres États membres ont trouvé des moyens efficaces de le faire en pleine conformité avec le droit de l’Union », conclut-elle.

Enfin, la porte-parole du commissaire européen pour la Fiscalité nous a précisé que cette demande avait été faite à l’Allemagne « dans le cadre normal du processus d’infractions mensuelles ». Chaque État membre est responsable de la mise en œuvre du droit de l’Union dans son ordre juridique interne. En vertu des traités, la Commission européenne est chargée d’y veiller et dispose pour cela de pouvoirs propres. Ici, elle a agi dans le cadre d’un recours en manquement par un avis motivé ; l’objectif de cette procédure précontentieuse étant la mise en conformité volontaire de l’Allemagne aux exigences du droit européen. Mais, sans rectification de sa part dans les deux mois, la Cour de justice de l’Union européenne sera saisie.

Légende photo :

Bernd Neumann, délégué du gouvernement fédéral allemand pour la Culture et les Médias - © Photo : Heinrich-Böll-Stiftung - 2010 - Licence CC BY-SA 2.0 

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