La Cour des comptes s'agace des dérives persistantes dans les grands chantiers culturels

Par Sophie Flouquet · lejournaldesarts.fr

Le 9 février 2012 - 481 mots

PARIS [09.02.12] - Dans sa dernière livraison, la juridiction financière administre une nouvelle piqûre de rappel sur les dérives dans la construction et le coût des grands chantiers culturels. Une épée de Damoclès pour le prochain ministre de la culture.

1,9 milliard d'euros : c'est la somme mobilisée entre 2007 et 2011 pour les 35 grands chantiers du ministère de la Culture, achevés ou en cours. Or, comme le révèle la Cour des comptes dans son dernier rapport, sur cette enveloppe déjà conséquente, 582 millions d'euros - soit l'équivalent d'une annuité de crédits d'investissements du ministère de la Culture - n'avaient pas été prévus.

Ils correspondent à des dépassements budgétaires parfois vertigineux : 211 millions d'euros au lieu de 149 pour la rénovation du quadrilatère Richelieu, 91 millions contre 61 prévus pour la création du département des Arts de l'islam du Louvre, 195 millions dépensés pour le Centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, projet d'abord chiffré à 119 millions, 160 millions au lieu de 99 millions pour le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille (Mucem)... La palme revient toutefois aux 336 millions d'euros que devrait coûter la Philharmonie de Paris, chantier annoncé initialement à 173 millions. Cela pour des opérations qui accusent en moyenne des retards de livraison de 30 mois.

Publié le 8 février 2012, le rapport annuel de la Cour des comptes revient à nouveau sur une dérive dénoncée dès 2007. Dans un rapport spécial, les magistrats de la rue Cambon avaient alors relevé de nombreuses défaillances dans la poursuite des grands projets portés par le ministère de la Culture. Dans le cadre du suivi traditionnel de ses rapports, la Cour consacre à nouveau, dans sa livraison 2012, quelques pages à ce sujet. Si les magistrats se félicitent de la réforme des structures administratives censées mener ces projets, avec la création de l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) et d'une commission ministérielle des projets immobiliers, ils constatent la persistance d'une certaine médiocrité du pilotage, d'une sous-qualification des services techniques chargés de la programmation ou de la maîtrise d'ouvrage, couplés à des « financements aléatoires » car liés au mécénat ou à l'auto-financement des établissements.

Les rapporteurs notent par ailleurs l'existence de « dysfonctionnements dans la prise de décision politico-administrative », dus notamment à « des annonces officielles en décalage par rapport à l’instruction préalable du dossier ». De quoi y voir un « risque financier élevé pour le ministère, appelé in fine en garantie ».

Dans une réponse écrite adressée à la Cour et annexée au rapport, le ministère du Budget en tire déjà des conséquences. « Ces investissements constitueront un enjeu majeur du prochain budget triennal : la question de leur rééchelonnement ou du renoncement à certains projets devra être posée ». Et le ministre du Budget de prôner une meilleure instruction des dossiers, qui devraient à l'avenir recevoir un accord préalable de Bercy. De quoi largement brider les velléités dispendieuses.

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Entrée principale de la Cour des comptes à Paris - © photo TouN - 2005 - Licence CC BY-SA 3.0 

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