Une copie contemporaine de la « Joconde » de Léonard de Vinci découverte au Prado

Par Chloé Da Fonseca · lejournaldesarts.fr

Le 3 février 2012 - 707 mots

MADRID (ESPAGNE) [03.02.12] – Et si la « Joconde » avait une sœur jumelle ? Au Musée du Prado, une copie du portrait de Mona Lisa était conservée depuis de nombreuses années, mais elle n’était pas jugée digne d’intérêt Une copie comme des dizaines d’autres, réalisées après la mort de Léonard de Vinci. Pourtant, après des travaux de restauration, l’œuvre est apparue comme fondamentale pour l’histoire de l’art : elle a été réalisée simultanément à la « Joconde » par l’un des disciples du maître florentin.PAR CHLOÉ DA FONSECA

La Joconde du Prado, exposée durant des années et que l’on prenait pour une simple copie, s’est révélée plus importante que ce qu’elle laissait croire. L’œuvre a été restaurée dans le cadre de sa prochaine exposition au Musée du Louvre pour l’événement « L’ultime chef-d’œuvre de Léonard de Vinci : la Sainte Anne ». L’arrière-plan avait été noirci pour des raisons inconnues au XVIIIe siècle (probablement liées au goût esthétique de l’époque). Mais sous la couche sombre, un paysage toscan comparable à celui qu’a peint de Vinci est apparu.

Après des recherches plus poussées sur la composition du tableau, Miguel Falomir, conservateur en chef des Peintures italiennes et de la Renaissance au Musée du Prado, peut désormais affirmer qu’il n’y a aucun doute sur le fait que le portrait a été réalisé par un élève du maître, et aucun doute non plus sur la simultanéité des exécutions. L’analyse infra-rouge (comparée aux travaux effectués à Paris en 2004) a en effet permis de déceler des similitudes dans les modifications apportées au portrait (notamment sur les dessins préparatoires) en cours de réalisation. Cette évolution identique est la preuve que la « copie », considérée désormais comme une version, a été entreprise sur les conseils du maître. Il est également possible que l’élève ait été présent lors des poses du modèle, Lisa Gherrardini. Deux noms de disciples s’imposent pour l’attribution : Andrea Salai ou Francesco Melzi.

Référencée depuis 1666 dans l’inventaire des collections royales espagnoles, cette version fut longtemps attribuée à un artiste flamand ou néerlandais et supposée réalisée bien après la mort de Léonard de Vinci en 1519. On pensait en effet que l’œuvre avait été effectuée sur du bois de chêne, typique du travail des artistes du Nord ; en réalité, il s’agit bien de bois de noyer, traditionnel dans l’art florentin.

Alors que l’œuvre apparaissait triste et banale, sa restauration lui a rendu toute sa sérénité, son atmosphère éthérée et son mystère, comparable à celui qui caractérise les toiles du maître italien. Cette découverte fortuite et spectaculaire, au détour d’une rénovation, va offrir au monde de l’histoire de l’art de nouvelles informations qui pourraient documenter plus en profondeur l’étude du portrait le plus célèbre au monde.

L’origine du tableau pourrait notamment être éclaircie. De même, elle pourra nous renseigner sur le fonctionnement de l’atelier de Léonard de Vinci ; la réalisation d’une deuxième version, effectuée aux côtés de l’artiste, intrigue. De taille quasiment identique – 77 x 53cm pour l’originale du Louvre, 76 x 57cm pour le tableau du Prado – Lisa Gherrardini, épouse de Francesco del Giocondo, apparaît plus jeune sur le portrait du Prado, mais l’état de conservation de la Joconde parisienne ne la présente pas sous son meilleur jour. Dans un communiqué de l’AFP, Miguel Falomir est certain que ce portrait a été « réalisé dans l’atelier du peintre. C’est absolument conforme à la façon de travailler de Léonard de Vinci », même si « c’est une œuvre sur laquelle Léonard n’est pas intervenu »

L’œuvre espagnole est désormais en meilleur état de conservation que sa sœur du Louvre, dont une restauration n’est pas prévue dans les prochaines années. Plus claire, les détails sont plus lisibles ; elle pourrait donc être mieux étudiée et déchiffrée pour apporter les réponses (ou susciter de nouveaux débats) au mystère qui entoure la Joconde. Ce nouvel éclairage pourrait changer radicalement notre connaissance sur le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci. La femme qui a fait couler tant d’encre depuis des décennies n’a pas fini de faire parler d’elle.

L’œuvre est actuellement en fin de restauration. Elle sera présentée « officiellement » au monde le 21 février au Musée du Louvre. Après 500 ans de séparation, les sœurs jumelles seront à nouveau réunies, côte à côte, sur les murs du Louvre du 29 mars au 25 juin 2012.

Légende des photos

Copie de La Joconde de Léonard de Vinci, exposée au Musée du Prado à Madrid, probablement effectuée par un apprenti de Léonard au XVIe siècle. C'est lors de la restauration du tableau et du retrait de la couche noire ajoutée au XVIIIe pour dissimuler le paysage en arrière-plan que les experts clarifient cette attribution - source Wikimedia

Léonard de Vinci (1452-1519), La Joconde, entre 1503 et 1506, huile sur panneau de peuplier, 53 x 77 cm, Musée du Louvre, Paris - source Wikimedia

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