Politique

L’université russe capitule devant le ministre de la Culture

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 9 février 2017 - 543 mots

MOSCOU (RUSSIE) [09.02.17] – Le ministre russe de la Culture a publié en 2011 une thèse très contestée par de nombreux universitaires. Pourtant une instance d’appel refuse de réexaminer le texte validant ainsi le diplôme du ministre.

Le très controversé ministre de la Culture Vladimir Medinski a échappé hier mercredi à une sanction désavouant son titre de docteur d’histoire. Le conseil d’examen des thèses du département d’histoire du MGU (la principale université de Russie) a refusé de réexaminer la douteuse thèse d’histoire du ministre, soutenue en 2011 dans une obscure faculté de l’Oural, alors qu’il était déjà un influent député du parlement.

Désormais, seule la Haute instance d’attribution des diplômes peut désavouer une thèse que les critiques du ministre considèrent comme remplie d’inepties et de mensonges. « La Haute instance se trouve désormais confrontée à un dilemme : soit blâmer le ministre et s’exposer à une répression possible, soit le soutenir et perdre sa réputation », juge l’historien Askold Ivantchik, cité par le quotidien Vedomosti.

En avril 2016, le collectif « Dissernet » avait déposé une requête devant la Haute instance d’attribution des diplômes dans l’objectif de priver Vladimir Medinski de son rang d’universitaire. Plusieurs historiens russes spécialistes de la renaissance avaient alors signé cette requête, qualifiant la thèse intitulée « Défauts d’objectivité des savants étrangers dans l’étude de l’histoire russe des XV-XVIIème siècles » de « travail de pure propagande qui ne résiste pas à la critique, (…) remplaçant les faits historiques par des mythes pseudo-scientifiques ». Les historiens s’insurgent contre la soumission du fait historique à l’interprétation idéologique définie par Vladimir Medinsky dans sa seconde thèse : « le critère pour une évaluation positive ou négative du fait historique est : sert-il l'intérêt du pays et du peuple. Peser dans la balance des intérêts nationaux de la Russie forme la norme absolue de la vérité et la pertinence du travail historique ». En 2014, le même collectif Dissernet avait déjà trouvé 87 pages plagiées sur 120 dans un précédent « mémoire d’histoire » signé par Medinski en 1997.

Journaliste de formation, ancien député connu pour être le fer de lance des lobbies du tabac, de l’alcool et des jeux de hasard, il s’est mué dans les années 2000 en idéologue du nouveau chauvinisme russe, ce que sa thèse d’histoire illustre parfaitement. Ses rapports avec le monde de la culture étaient assez secrets pour que sa nomination au poste de ministre en 2012 crée la surprise, voire l’indignation. Aujourd’hui, malgré cette polémique et le scandale de détournement de fonds public frappant le ministère de la Culture, Vladimir Medinski continue de bénéficier du soutien du Kremlin.

C’est le même soutien du Kremlin au clergé orthodoxe qui a conduit mercredi des dirigeants d’université à plaider en faveur d’un transfert accéléré au patriarcat de Moscou de la célèbre cathédrale Saint-Isaac, l’une des principales attractions touristiques de Saint-Pétersbourg. « Nous considérons que le processus de transmission doit être achevé dans les plus brefs délais. Il ne faut pas laisser les soi-disant opposants et politiciens - autrement dit, les provocateurs - utiliser l’affaire de la cathédrale Saint-Isaac comme un prétexte pour déchaîner les passions et la haine religieuse dans la société », lit-on dans un communiqué rédigé par les recteurs de 23 universités et grandes écoles russes.

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Le ministre russe de la Culture, Vladimir Medinsky, 2016. © Photo : le Kremlin (Moscou)

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