Un Second Empire, spectaculaire mais lacunaire à Orsay

Par Carole Blumenfeld · lejournaldesarts.fr

Le 20 octobre 2016 - 606 mots

PARIS [20.10.16] - L’exposition Spectaculaire Second Empire 1852-1870 réunit un grand nombre d’œuvres exceptionnelles qui soutiennent parfaitement le parti pris des commissaires, mais l’image qu’elle renvoie du règne de Napoléon III est finalement très proche de la caricature dressée par ses détracteurs en 1871.

Au Musée d’Orsay, la présence des vues de Ferrière par Lami, de la maison pompéienne de Plon-Plon ou des intérieurs de la princesse Mathilde par Giraud – tout ce que les plus fervents opposants du régime, Victor Hugo en tête, honnissaient – sont un vrai régal pour les yeux. Il y a pourtant un avers et un revers du côté « spectaculaire » du Second Empire et cette « fête impériale » éphémère n’est que le revers du règne de Napoléon III tandis que l’avers, c’est sa réflexion, déjà ancienne, sur les fonctions sociales de l’art. Il était peut-être le vautour qui tient entre ses griffes la France, croqué par Paul Hadol dans La Ménagerie impériale (1870), mais il avait aussi été l’auteur de L’Extinction du paupérisme (1844), fasciné par le saint-simonisme et les idées socialistes.

Le grand œuvre du Second Empire est bien l’éblouissante transformation des villes de Rouen, Marseille et Paris, fruit de préoccupations hygiénistes, sécuritaires et surtout artistiques. Le principe qui aurait consisté à présenter une carte de Paris en 1852 et une autre du Grand Paris de 1870 avec ses vingt arrondissements, n’a pas été retenu. Ces accomplissements sont simplement brièvement évoqués par plusieurs aquarelles de Leymonnerye comme l’Ouverture du boulevard Sébastopol le lundi 5 avril 1858 et l’Inauguration du boulevard Malesherbes le 13 août 1861 (Paris, musée Carnavalet) et quelques salles plus loin, par le tableau d’Adolph von Menzel, Jour de semaine à Paris de 1869 (Düsseldorf, Museum Kunstpalast). Il est vrai que les témoignages peints datent plutôt de la Troisième République, mais la scénographie aurait peut-être pu transmettre un message sensiblement différent au visiteur en guidant son appréciation de la dimension sociale de la politique artistique du régime impérial.

L’intérêt par exemple de Napoléon III pour les jardins est beaucoup plus emblématique de son modernisme que les décors des demeures impériales. L’un des chantiers qui lui tenait le plus à cœur est celui du mobilier urbain dessiné par l’architecte Davioud (kiosques, panneaux d’information, bancs, grilles, lampadaires, corsets-tuteurs des arbres) destiné à l’aménagement des nouveaux 1 830 hectares d’espaces verts parisiens, soit 24 squares, 2 bois et 4 jardins dont le « spectaculaire » parc des Buttes-Chaumont que s’approprièrent les couches les moins favorisées.

La politique de démocratisation d’accès aux musées dont la cheville ouvrière était Nieuwerkerke, l’amant de la princesse Mathilde, son premier amour, n’est pas non plus abordée. La volonté impériale de considérer le musée comme un instrument d’éducation populaire en valorisant l’histoire nationale ou le « génie de sa province » pour reprendre la formule de Chennevières est peut-être plus spectaculaire que les fêtes impériales ou le goût Louis XVI-impératrice. Mû par le désir d’offrir un panorama de la peinture des Primitifs à ses productions les plus modernes, l’Empereur, coup sur coup, achète la collection Campana (Avignon, Musée du Petit Palais d’Avignon et Paris, Musée du Louvre), et crée le Salon des Refusés en marge du Salon de 1863, jugeant le jury officiel trop sévère. En visitant l’exposition, il n’est pas certain que le public comprenne que la création du Salon des Refusés ait justement été une initiative de Napoléon III.

Spectaculaire Second Empire reste une expérience éblouissante qui séduit le visiteur mais l’approche traditionnelle choisie déçoit alors justement que le Musée d’Orsay avait surpris par son audace en réussissant à traiter toutes les facettes de Splendeur et misères. Images de la prostitution 1850-1910.

Légende photo

Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), Madame Moitessier, 1856, huile sur toile, 120 x 92,1 cm, collection The National Gallery, Londres © Photo National Gallery - Sous Licence Domaine public via Wikimedia Commons

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