États-Unis - Donation - Musée

Les dessous de la donation Fisher au SFMoMA

Par Nathalie Eggs · lejournaldesarts.fr

Le 23 août 2016 - 615 mots

SAN FRANCISCO (ETATS-UNIS) [23.08.16] – Des détails sur la donation de la collection de Doris et Donald Fisher au Musée d’art moderne de San Francisco ont été dévoilés par la presse, questionnant la fonction éducative des musées. Une clause prévoit ainsi que plus de 75 % des œuvres montrées dans les nouvelles salles doivent venir de la collection Fisher.

San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) © Photo SFMOMA151, 2015 - CC BY-SA 4.0
Le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA).
Photo SFMOMA151, 2015

Le Musée d’art moderne de San Francisco a rouvert le 14 mai dernier après trois ans de travaux d’agrandissement, destinés notamment à recevoir la collection de Doris et Donald Fisher, co-fondateurs de la marque de vêtements Gap. Désormais, l’essentiel des espaces d’expositions des quatrième, cinquième et sixième étages abrite des salles « monographiques » d’artistes de la Collection Fisher. Un peu plus de trois mois après l’inauguration de l’extension du SFMoMA, conçue par le cabinet d’architectes Snøhetta, le quotidien San Francisco Chronicle est revenu sur l’opacité de cette donation, conclue la veille du décès de Donald Fisher, le 27 septembre 2009.

Car, élément pour le moins étrange : en 2005, le conseil d’administration et la direction avaient d’un commun accord refusé une première proposition de donation des Fisher. « Si généreuse soit-elle, notre intégrité serait en danger » avait alors déclaré Neal Benezra, directeur du musée. A l’époque, la donation des quelques 1100 œuvres était en effet conditionnée à une sorte de contrôle concernant les expositions et œuvres montrées. Par la suite, une tentative des Fisher pour construire leur propre musée dans le Presidio de San Francisco s’était également soldée par un échec.

Le contrat de donation conclu prévoit que le musée est dépositaire de la collection jusqu’en mai 2116, soit pour une durée de 100 ans, renouvelable par périodes de 25 ans. Si le critique et journaliste Charles Desmarais souligne l’opacité des termes du contrat s’agissant notamment de l’ambigüité entre les œuvres prêtées appartenant à la fondation d’art des Fisher (entité donataire) et les œuvres prêtées appartenant personnellement à Doris Fisher, il pointe surtout les aspects du partenariat qui concernent le public. « Contrairement aux espaces qui portent le nom de leur donateur, qui doivent en principe accueillir un éventail varié d’œuvres et d’expositions, les galeries de la collection Doris et Donald Fisher doivent présenter principalement des œuvres des Fisher à tous moments. Pas plus de 25 % des œuvres montrées doivent provenir d’autres dons ou prêts », affirme le quotidien californien. En d’autres termes, un pourcentage conséquent des œuvres exposées – et imposées – au public n’est autre que la vision historique de l’art qualifiée par certain d’obstinée, lacunaire et figée d’un couple privé de collectionneurs.

Alors que les musées façonnent notre compréhension de l’histoire de l’art et plus généralement de l’art, cette clause questionne le rôle éducatif des musées. Le San Francisco Chronicle va jusqu’à affirmer que « ce qu’on voit dans les musées d’art est l’art des riches ». A l’inverse d’institutions muséales qui portent clairement le nom de leur principal donateur, telle que la Fondation Barnes en Pennsylvanie ou de la Collection Frick à New York, le MoMA de San Francisco est un musée qui se dit « centre dynamique pour l’art moderne et contemporain » qui devrait prendre plus de recul [fondé en 1935, il n’est même pas centenaire] et devrait être plus transparent, conclut le quotidien. Commencée dans les années 1970, la collection Fisher rassemble plus d’un millier d’œuvres signées de 185 artistes, allant du pop art à l’art d’après-guerre allemand en passant par l’abstraction et l’art minimal américain. A Paris, une partie de la collection avait été exposée au Grand Palais à Paris, lors de l’exposition « Icônes américaines » (08 avril - 22 Juin 2015) puis au Musée Granet (11 juillet - 18 octobre 2015) à Aix-en-Provence.

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