Olivier Thomas mis en examen pour le vol des Picasso

Par Vincent Noce · lejournaldesarts.fr

Le 11 juillet 2016 - 722 mots

PARIS [11.07.16] - Le marchand d'art, qui s’était chargé du déménagement et de l’entreposage des oeuvres du Mas-Notre-Dame-de-Vie, a été inculpé d’abus de confiance et d'escroquerie, suite à la plainte de la fille de Jacqueline Picasso. Cette mise en examen fait suite à celle d’Yves Bouvier pour recel. Les deux hommes protestent de leur innocence.

Olivier Thomas, le marchand d'art mis en cause dans le scandale de près de 70 oeuvres qui auraient disparu d’un box loué chez Art Transit à Gennevilliers par la fille de Jacqueline Picasso, a été mis en examen mercredi 6 juillet pour abus de confiance, escroquerie et recel. Il a été laissé en liberté.

Cette inculpation fait suite à celle déjà prononcée pour recel par la juge parisienne Isabelle Rich-Flament, en septembre dernier, à l'encontre de son ami genevois Yves Bouvier, qui a vendu la plupart de ces oeuvres au collectionneur monégasque Dimtri Rybolovlev.

Olivier Thomas a redit son innocence devant la juge. Il se sent, d'après son avocat, Me Jean-Marc Fedida, « victime d'une atmosphère d'intrigues et d'un contentieux avec lequel il n'a rien à voir », opposant les deux milliardaires, Yves Bouvier et Dimtri Rybolovlev. Son client a transporté et déposé les oeuvres et meubles du Mas-Notre-Dame-de-Vie, qu’il venait de vendre, en 2007, pour le compte de la fille de Jacqueline Picasso, Catherine Hutin-Blay, en utilisant la logistique d'Art Transit, une filiale du groupe Bouvier.

Avec leur troisième partenaire, un marchand d’art français installé à Genève, Jean-Marc Peretti, Olivier Thomas avait été interpellé à Paris en mai 2015 et interrogé par la Brigade de répression du banditisme (BRB). Il disait alors ne pas reconnaître ces oeuvres. Mais les images sont apparues depuis sur son ordinateur, qui avait été saisi par les policiers. Devant la juge, il s'est défendu en expliquant qu'il voulait dire qu'elles ne se trouvaient pas au Mas dont il avait effectué le déménagement.

Yves Bouvier lui aussi proteste de son innocence, ce qui n’avait pas empêché la juge de lui imposer une caution d’un montant jamais vu dans une affaire instruite pour vol et recel, 27 millions d’euros. C’est le prix auquel ce dernier a vendu en 2013 à une société de Dimtri Rybolovlev deux portraits de Jacqueline Picasso, dont la disparition est à l’origine de la plainte. En septembre, Dimtri Rybolovlev les a remis à la Justice. Dans le même temps, il avait révélé avoir également acheté à Yves Bouvier 58 dessins issus de trois carnets de Pablo Picasso, qui se sont avérés provenir eux aussi de la collection de Mme Hutin-Blay.

Yves Bouvier affirme avoir payé ces oeuvres par un transfert de 8 millions d’euros au Liechtenstein opéré par sa société basée à Hong Kong MEI Invest. Mme Hutin-Blay a cependant fait valoir que cette somme correspondait en fait à une vente de tableaux datant de 2010, réalisée par l’entremise d’Olivier Thomas alors que celui-ci bénéficiait encore de sa confiance. Elle a fourni un lot de documents attestant de cette transaction, dont le prélèvement fiscal correspondant.

Yves Bouvier a de plus toujours nié avoir acquis ces oeuvres de son ami Olivier Thomas. Il assure les avoir achetées par le biais d’un marchand parisien disparu, Jean-François Aittouarès. Mais sa galerie n’en a trouvé aucune trace dans la comptabilité et sa veuve, Michèle Aittouarès, même si elle n’était pas impliquée dans ses affaires, a déclaré n’en avoir « jamais entendu parler ». « C’est un conte à dormir debout », nous a-t-elle déclaré en ajoutant : « il est facile d’accuser les morts ».

Les deux hommes sont en outre contredits par un restaurateur qui travaillait alors pour Natural Le Coultre, l’entreprise de la famille Bouvier. Cet ancien employé maintient avoir été appelé pour examiner et restaurer huit oeuvres, à Gennevilliers et dans les ateliers de Natural Le Coultre à Genève. En juin, il a confirmé ses dires par des photographies, dans lesquelles figurent les deux portraits de Jacqueline. Mais Me Fedida met en doute son témoignage en faisant remarquer qu'il se serait contredit à plusieurs reprises.

L’incertitude règne sur une dizaine d’oeuvres supplémentaires, qui proviennent du même lot, selon les indications apportées par Yves Bouvier. L'homme d'affaires suisse a reconnu en détenir encore une demi-douzaine. Il a indiqué au Journal des Arts vouloir coopérer avec la Justice et s’est dit prêt à les remettre en cas de requête de la juge.

Légende photo

Le milliardaire Dmitri Rybolovlev posant le 24 septembre 2015 devant les 2 portraits de Picasso, L'Espagnole à l'éventail et Femme se Coiffant, au coeur du litige entre Yves Bouvier et Catherine Hutin-Blayl, la fille de Jacqueline Picasso © photo AFP PHOTO / PATRICK KOVARIK

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque