Mali : Tombouctou défigurée par la destruction des mausolées retrouve son visage d'avant

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 5 février 2016 - 700 mots

TOMBOUCTOU (MALI) [04.02.16] - Plus de trois ans après la destruction des mausolées de Tombouctou par les jihadistes, à coups de pioche, de houe et de burin, la cité légendaire du nord-ouest du Mali a repris jeudi possession de ses sanctuaires reconstruits à l'identique.

C'est au nom de la lutte contre "l'idolâtrie" que le groupe jihadiste touareg malien Ansar Dine les avait démolis. C'est par une cérémonie de sacralisation, avec lecture intégrale du Coran et prière collective, que s'achève la patiente oeuvre de réhabilitation.

"C'est un symbole fort pour la paix", s'est félicité Sane Chirfi, représentant de la famille responsable du mausolée Alpha Moya, l'un des tout premiers vandalisés. "Les mausolées sont des symboles de rassemblement, de regroupement, parce que parmi les saints de Tombouctou, il y a des saints de toutes les ethnies".

"On avait vu la dureté des images, la brutalité des destructions, et aujourd'hui, ce mausolée, nous sommes très heureux qu'il soit debout", a confié le représentant de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), qui a conduit le projet, Lazare Eloundou.

Grâce au savoir-faire traditionnel des maçons de Tombouctou et aux matériaux locaux, les édifices restaurés sont semblables aux originaux, a constaté un journaliste de l'AFP.

Pour parvenir à ce résultat, les restes des murs ont été récupérés. Les anciennes photos ont été consultées et, la tradition culturelle se transmettant généralement de bouche à oreille, des personnes âgées ont été interrogées avant et pendant les travaux.

Malgré l'importance de ces mausolées pour la population, qui voue un grand respect aux saints décédés, seuls étaient conviés à la cérémonie les représentants des familles chargées de leur gestion, des responsables maliens, dignitaires coutumiers et religieux ainsi que des diplomates.

Mais tous les habitants pourront désormais en bénéficier pleinement, a assuré le directeur de cabinet du ministre de la Culture, Almamy Ibrahim Koreissi: "Il s'agit de remettre en activité ces monuments-là : que ceux qui avaient l'habitude de les fréquenter puissent revenir se recueillir dans ces mausolées".

Après le sacrifice rituel de cinq boeufs tôt dans la matinée, la cérémonie, dans la mosquée de Djingareyber, s'est conclue par la remise des clés aux familles en charge des sanctuaires.

"Ce jour célèbre le remarquable et courageux travail que vous avez accompli pour recouvrer votre dignité", a déclaré Lazare Eloundou.

- Comparution devant la CPI -

Ancienne cité marchande prospère, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l'islam, qui a connu son apogée au XVème siècle.

Selon l'Unesco, qui l'a classée au Patrimoine mondial de l'humanité en péril, elle compte "16 cimetières et mausolées qui étaient des composantes essentielles du système religieux dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers".

Quatorze de ces mausolées de saints musulmans avaient été détruits par des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, qui ont dicté leur loi dans cette région de mars-avril 2012 jusqu'au déclenchement, en janvier 2013, d'une opération militaire internationale à l'initiative de la France, qui se poursuit actuellement.

Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.

C'est d'ailleurs à Tombouctou qu'une ressortissante suisse, amoureuse de la ville, brièvement enlevée en 2012 par les jihadistes, l'a été de nouveau le 7 janvier, un rapt revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

La réhabilitation des mausolées a été achevée sur le plan architectural en septembre 2015, le même mois que la première comparution devant la Cour pénale internationale (CPI) d'un suspect, Ahmad Al Faqi Al Mahdi, membre d'Ansar Dine, accusé d'avoir dirigé les dégradations contre neuf mausolées et une mosquée.

La directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, qui avait indiqué lors de sa visite en juillet 2015 avoir saisi la CPI, a mis en garde contre les menaces qui demeurent, dans un message lu en son nom par Lazare Eloundou.

"Des difficultés persistent et les dangers n'ont pas disparu, nous le savons. Mais ces bâtiments debout sont la preuve irréfutable que l'unité est possible, que la paix est plus forte, que nous y sommes arrivés et que nous pouvons le refaire".

Selon Mme Bokova, "nous avons reconstruit davantage que des monuments, nous avons tissé des liens d'amitié que rien ne pourra défaire".

Légende photo

Cour de la mosquée Djingareyber à Tombouctou © Photo KaTeznik - 2005 - Licence CC BY-SA 2.0 

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