Ventes aux enchères

La loi californienne sur le droit de suite en partie jugée inconstitutionnelle

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 12 mai 2015 - 591 mots

LOS ANGELES (ETATS-UNIS) [12.05.15] - La cour d’appel du 9ème circuit, tout en consacrant le mécanisme du « resale right » institué en 1976 en Californie, a limité son application territoriale aux seules ventes conclues dans l’Etat.

Alors que la proposition de loi fédérale visant à introduire le droit de suite dans l’ensemble des Etats américains (ART) a été déposée une nouvelle fois le 16 avril dernier devant le Congrès, les artistes Chuck Close, Laddie John Dill et la succession du sculpteur Robert Graham viennent de remporter une manche décisive face aux géants du secteur des ventes aux enchères, que sont Sotheby’s, Christie’s et eBay, accusés de ne pas respecter la loi californienne sur le droit de suite. Le 5 mai 2015, la cour d’appel du 9ème circuit a ainsi infirmé en partie la décision de première instance rendue le 17 mai 2012 qui avait retenu l’inconstitutionnalité de la loi californienne en raison de l’entrave au libre commerce entre les différents Etats américains.

En effet, en première instance, la loi californienne avait été entièrement considérée comme inconstitutionnelle en raison de son application à des ventes extérieures aux frontières de l’Etat. A cet égard, et dans sa rédaction initiale, le « California Resale Royalty Act » (CRRA) garantissait aux artistes plasticiens, depuis 1977, l’équivalent de 5 % du produit de la revente de leurs œuvres, pour toute transaction excédant 1 000 dollars (795 euros environ), à condition que le vendeur réside en Californie ou que la vente ait lieu en Californie ou encore que l’artiste réside en Californie depuis au mois deux ans, et que les œuvres concernées soient originales.

De même, la loi s’appliquait tant aux artistes vivants qu’aux héritiers d’artistes décédés dans les vingt dernières années. La juge Susan Graber, rédactrice du rapport ayant servi de base à la présente décision, a ainsi relevé que « si un citoyen californien possède un appartement à mi-temps à New York achète une sculpture à un artiste originaire de l’Etat du Dakota du Nord afin de meubler son logement, puis vend la sculpture à un ami à New York, la loi impose de s’acquitter du droit de suite, quand bien même ni la sculpture, ni l’artiste, ni l’acheteur n’aient jamais voyagé ou n’aient un quelconque lien avec la Californie ».

La cour d’appel a donc réduit le champ d’application de la loi aux seules ventes aux enchères publiques conclues dans l’Etat de Californie afin d’assurer la constitutionnalité du droit de suite californien. Seuls six mots ont ainsi été jugés inconstitutionnels – « le vendeur demeure en Californie ou » - afin de préserver le texte et de garantir l’application du « resale right ».

La présente décision constitue une victoire essentielle pour les défenseurs du droit de suite, dont l’« Artists Rights Society » (ARS) au nom de laquelle son président Theodore Feder a énoncé que le « California Resale Royalty Act survivrait à cette modification ». Au-delà, la présente décision confirme en creux que la « First Sale doctrine » américaine, dont le principe repose sur la perception de revenus par l’artiste uniquement sur la première cession de son œuvre, n’a plus nécessairement cours, ce que le Copyright Office avait déjà énoncé récemment.

Si l’affaire est désormais renvoyée devant une juridiction inférieure, la possible adoption prochaine d’une loi fédérale permettant une introduction harmonisée du droit de suite sur l’ensemble du territoire américain permettrait de pallier la difficulté d’application aux autres Etats que la Californie et couperait court toute discussion sur l’impact futur de la présente décision sur le marché de l’art californien.

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La cour d’appel du 9ème circuit à Los Angeles aux Etats-Unis © Photo Federal Judicial Center - 1905 - Sous Licence Domaine public via Wikimedia Commons

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