Un photographe appelle aux dons pour financer son procès, au nom de la liberté de création artistique

Par Cléo Garcia · lejournaldesarts.fr

Le 27 janvier 2015 - 449 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [27.01.15] – Accusé d’atteinte au droit à l’image par une femme photographiée à son insu dans une rue de Berlin, le photographe Espen Eichhöfer a décidé de faire appel. Le photographe lance un appel aux dons pour financer la procédure judiciaire.

En mai 2013, le photographe Espen Eichhöfer fixe dans un cliché les pas pressés d’une passante traversant une rue de Berlin, près de la gare du Zoologischer Garten. Quelques mois plus tard, l’image de cette femme dans son élégant manteau-léopard est présentée dans une exposition à la galerie C/O Berlin. Se reconnaissant sur le cliché, la personne ayant servi de modèle improvisé à Espen Eichhöfer saisit la justice et réclame 4 500 euros d’indemnités à l’artiste et la même somme à la galerie ayant exposé la photographie en invoquant son droit à l’image.

Le tribunal de Berlin rejette les demandes financières de la plaignante mais reconnaît l’atteinte à ses droits de la personnalité commis par l’artiste, rapporte le Berliner Zeitung. La sentence passe mal pour Espen Eichhöfer. Car, même s’il est exempté de payer des indemnités, il estime que ce jugement porte atteinte à sa liberté de création artistique.

Au nom de cette liberté pour protéger la pratique de la photographie de rue, Espen Eichhöfer a décidé de faire appel devant la Cour constitutionnelle fédérale et espère obtenir un « jugement de principe ». Pour financer cette procédure, il lance un appel aux dons sur le site de financement participatif Startnext, grâce auquel il espère récolter 14 000 euros. « Cette somme correspond aux frais que nous devrions payer dans le cas d’une défaite totale, donc dans le pire des cas », explique le photographe. Si au contraire, le tribunal se prononce en sa faveur, il s’engage à organiser un colloque sur la photographie de rue avec l’argent recueilli sur Startnext.

Le geste d’Eichhöfer vise non seulement à faire valoir sa liberté artistique, mais selon lui également à protéger l’essence d’un genre photographique, celui de la « photographie de rue », cet art qui fige, souvent à la dérobée et à l’insu des sujets photographiés, des scènes de la vie citadine. Eichhöfer cite comme références Henri Cartier- Bresson ou Garry Winogrand.

Cette pratique entre en conflit avec le droit à l’image. En théorie, les photographes doivent, pour respecter ce droit, soit renoncer à diffuser des clichés sur lesquelles figurent des personnes reconnaissables, soit obtenir une déclaration de consentement écrite auprès des personnes représentées. Eichhöfer souligne qu’en pratique, ces solutions sont bien éloignées de la réalité : « Ceci est quasiment impossible. On ne peut pas courir après chaque personne que l’on photographie. Et si l’on demandait l’accord au préalable, le moment, le motif, s’évanouiraient avant ».

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Espen Eichhöfer - © Photo Espen Eichhöfer / www.espen-eichhoefer.de

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