Politique

Des députés montent au front pour défendre les commissaires-priseurs judiciaires

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 13 janvier 2015 - 1003 mots

PARIS

PARIS [13.01.15] - Parmi les plus de 1 600 amendements déposés en commission spéciale à l’Assemblée nationale, certains tentent de corriger le projet de loi Macron pour préserver à terme la profession de commissaire-priseur judiciaire. D’autres font, au contraire, le jeu des autres professions réglementées.

Avant même l’examen du projet de loi « croissance et activité », dit projet de loi Macron, à partir du 26 janvier prochain en séance publique, les députés se livrent déjà à une attaque en règle en commission spéciale à l’Assemblée nationale. Plus de 1 600 amendements ont été déposés et sont examinés depuis le 12 janvier, sous la férule du rapporteur général Richard Ferrand (SRC). Parmi ceux-ci, un nombre important vise à détricoter le texte du gouvernement sur les dispositions relatives aux professions juridiques réglementées, comprenant notamment les commissaires-priseurs judiciaires.

Les inquiétudes et revendications de la profession sont relayées à droite par les groupes UMP et UDI, dont les propositions d’amendements sont similaires. De la liberté d’installation aux tarifs réglementés, de la future cartographie des zones d’installation à la création du « commissaire de justice », en passant par le recours contesté à la voie de l’ordonnance pour légiférer sur l’avenir des commissaires-priseurs judiciaires, les députés font feu de tout bois afin de faire échec au projet de loi.

L’ennemi à abattre est tout désigné : l’Autorité de la concurrence. Tant sa légitimité que son rôle sont contestés, les fonctions de notaires, d’huissiers et de commissaires-priseurs judiciaires étant des activités « hors commerce ». Il en est de même pour le rôle du ministère de l’économie. Des députés proposent ainsi de laisser la prérogative de la détermination de la cartographie des trois zones d’implantation d’offices à la seule Chancellerie. A l’Autorité de la concurrence pourrait alors être substitué un nouvel organe, soit créé au sein de chaque ordre professionnel ou sous sa responsabilité, soit regroupé dans une même autorité administrative ad hoc, « l’Autorité des professions du droit ». Cet organe aurait également vocation à se prononcer sur les tarifs réglementés.

A ce sujet, les critiques sont vives quant à l’instauration d’un « corridor tarifaire », soit une fourchette nationale comportant un prix minimal et un prix maximal pour un acte donné. Dénonçant des effets pervers mal appréciés, des députés soutiennent qu’un client récurrent d’un office se verra de fait appliquer un tarif plus intéressant ou modéré, plus proche du niveau plancher, alors que le client occasionnel sera promis à la fourchette haute des tarifs. Dès lors, il faudrait exclure du dispositif envisagé les actes qui ne concernent pas une procédure judiciaire ou une procédure civile d’exécution.

La liberté d’installation nécessiterait, quant à elle, d’être mieux régulée afin d’éviter les déserts juridiques résultant de la concentration des officiers ministériels et publics en zones urbaines, plus attractives. Cette dérive potentielle étant prévue, selon l’opposition, par les dispositions mêmes du projet de loi qui crée une troisième zone d’implantation structurée autour d’un appel à manifestation d’intérêt. Et elle serait même renforcée par la suppression des limitations du nombre de salariés par étude. Deux logiques inconciliables seraient alors à l’œuvre avec, d’une part, l’augmentation de la taille des offices existants et, d’autre part, la volonté d’augmenter le nombre des offices.

Autre enjeu, la fameuse profession de « commissaire de justice » regroupant huissiers, mandataires judiciaires et commissaires-priseurs judiciaires. Plusieurs fronts de critiques sont ouverts. Pour elles, la fusion serait génératrice de potentiels conflits d’intérêt principalement dans le domaine du traitement des entreprises en difficulté. L’intégration des mandataires judiciaires, qui ne sont ni officiers ministériels ni officiers publics, méconnaîtrait les exigences d’indépendance. Le regroupement serait inconciliable avec les exigences européennes des directives Services et Reconnaissances des qualifications professionnelles. Et le recours à l’ordonnance pour créer une telle profession ne serait nullement justifié en sus de permettre au gouvernement de se substituer au parlement. Un amendement propose alors de recourir à une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) regroupant les trois professions. Cette solution permettrait à chaque profession de conserver sa compétence et représenterait « un compromis raisonnable, plutôt équilibré qui peut ouvrir la voie vers une grande profession de l’expertise ». Soit une fusion future dans les faits entre huissiers et commissaires-priseurs judiciaires. La bien faible défense de la profession se dévoile alors.

Ainsi, une des mesures en faveur des commissaires-priseurs judiciaires proposée par le gouvernement est vivement combattue. Celle-ci réside dans la possibilité qui leur est offerte d’être titulaires de plusieurs offices et d’ouvrir à loisir des bureaux annexes sans restriction géographique. Selon les auteurs des différents amendements, « cette possibilité ne servira qu’aux professionnels les plus opportunistes pour capter de l’activité lucrative sur l’ensemble du territoire, dont les effets seront de faire une concurrence déloyale aux professionnels installés, de mettre en péril le maillage territorial, de ne pas favoriser l’installation des jeunes, etc. ». Au-delà du procès d’intention à l’encontre de la profession, c’est davantage le caractère exceptionnel de cette faculté qui dérange. Un amendement conclut ainsi que « ce type de proposition n’est d’ailleurs pas envisagé pour les autres officiers publics et ministériels et il convient donc de ne pas la retenir ». Si le risque de concentration et de position dominante de certains acteurs existe, il ne justifie pas, même à mots couverts, d’enterrer le seul avantage accordé à la profession. Les mêmes détracteurs souhaitent voir les ventes aux enchères publiques volontaires et judiciaires soumises à un « régime juridique simplifié ». L’objectif poursuivi étant à terme de créer une « grande profession de l’expertise et de la vente composée d’opérateurs spécifiquement formés pour cette activité et ayant tous un régime juridique identique ». Il semblait jusqu’alors que les commissaires-priseurs, volontaires et judiciaires, bénéficiaient d’une telle formation et qu’un alignement s’opérait pour les notaires et huissiers. Si la profession de « commissaire de justice » ne voyait finalement pas le jour, l’avenir des commissaires-priseurs judiciaires demeure incertain dès lors qu’une fusion avec d’autres professions semble arrêtée. L’absence d’audition des représentants de la profession par la commission spéciale reflétant le manque d’intérêt suscité ou le défaut de lobbying mené.

Légende photo

Marteau de la Justice - Source pixabay.com - Licence CC0 1.0

Thématiques

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque