Accusée de « viol digital », une performance artistique utilisant une application de rencontres gays est annulée à Berlin

Par Cléo Garcia · lejournaldesarts.fr

Le 8 octobre 2014 - 470 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [08.10.14] – Des protestations virulentes ont mis prématurément fin à une performance de l’artiste néerlandais Dries Verhoeven qui affichait des conversations de l’application de rencontres homosexuelles Grindr sur un mur de l’Heinrichplatz de Berlin. Cette performance alimente un débat sur la protection des données Internet et leur confidentialité.

La performance artistique Wanna Play ? Liebe in Zeiten von Grindr (« Tu veux jouer ? L’amour au temps de Grindr ») de l’artiste Dries Verhoeven en association avec le théâtre berlinois Theater Hebbel am Ufer a été prématurément annulée le 5 octobre 2014 en raison d’importantes protestations, rapporte le Berliner Zeitung. Elle est accusée de ne pas avoir respecté l’anonymat des internautes dont les conversations sur l’application de rencontres homosexuelles Grindr étaient reproduites à leur insu sur un vaste écran LED sur l’Heinrichplatz de Berlin, dans le quartier de Kreuzberg. L’artiste, installé dans un cube en verre, invitait via cette application des hommes à des rencontres, n’impliquant aucun rapport sexuel, et les conversations étaient ensuite projetées sur un grand écran face à lui, dans l’espace public.

La performance devait se poursuivre jusqu’au 15 octobre 2014, mais des protestations y ont mis fin. Les critiques concernent d’abord la manière dont les photos de profil des utilisateurs étaient affichées, ne préservant pas l’anonymat de ces derniers : les photos étaient simplement légèrement brouillées et mises en négatif, ce qui rendait la personne reconnaissable. Le théâtre a affirmé au Journal des Arts avoir estimé au début du projet que les photos étaient assez dénaturées mais a reconnu s’être trompé et avoir réalisé qu’elles ne l’étaient pas suffisamment pour préserver l’anonymat des internautes.

Ensuite, l’artiste a invité le 2 octobre un internaute à le rejoindre sur la Heinrichplatz pour le rencontrer et celui-ci l’aurait ensuite frappé de son poing en découvrant que sa conversation était retranscrite sur un écran visible par tous. L’individu en question, Parker T., a parlé d’un « viol digital », rapporte le Berliner Zeitung. Ce n’est pas la seule fois que l’artiste a été attaqué physiquement : la semaine dernière, un passant avait lancé une bouteille sur le cube de verre, fissurant une de ses parois.

Sur Internet, le projet a animé de nombreuses discussions dénonçant l’atteinte à la confidentialité et le non-respect de la protection de données personnelles. Le Theater Hebbel am Ufer a, à plusieurs reprises, insisté sur sa responsabilité dans les remous provoqués par cette performance et reconnaît ne pas avoir suffisamment protégé la vie privée des personnes impliquées. La directrice du théâtre Annemie Vanackere aurait pour cela pris la décision d’annuler cette performance, ce qu’elle a annoncé le soir du 5 octobre au cours d’un débat organisé au théâtre afin de discuter des questions que soulèvent la performance et la réaction du public face à celle-ci. Environ 300 personnes se sont déplacées pour y participer.

Légende photo

Heinrichplatz, Berlin - © Photo Nicor - 2010 - Licence CC BY-SA 3.0

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