Cosmoscow, la petite foire russe qui monte

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 24 septembre 2014 - 780 mots

MOSCOU (RUSSIE) [24.09.14] - La foire de Moscou est morte, vive la foire ! A peine Art-Moscow venait elle à la mi-septembre de jeter l’éponge qu’une nouvelle foire prenait sa place. Cosmoscow vient de se tenir du 19 au 21 septembre à Moscou, démentant au passage l’agonie du marché de l’art contemporain russe.

7000 visiteurs, dont des collectionneurs étrangers, se sont pressés à la salle du « Manège » (à deux pas de la Place rouge) pour visiter les stands des 26 galeries présentes de la nouvelle édition de Cosmocow. Le Journal des Arts a demandé à la co-directrice de Cosmoscow Margarita Pushkina de faire un bilan de la foire. « Nous sommes très satisfaites d’avoir pu attirer un public important et du retour de nos partenaires », explique-t-elle, sans pour autant dévoiler des détails financiers. « Le résultat correspond à l’objectif du plan d’affaires de Cosmoscow ». Seul chiffre dévoilé, les 209 500 euros récoltés lors d’une vente aux enchères baptisée « Off white », réalisée au profit de « Naked Heart », la fondation de la top model russe Natalia Vodianova. Cette dernière figure au conseil de la foire, aux côtés d’Antoine Arnault.

Parmi les 26 galeries présentes, six sont venues d’Europe (Campoli Presti et Massimo De Carlo, entre autres). Les principaux acteurs russes étaient présents (Iragui, Pop/off/art, XL, Triumph, Frolov), une poignée de nouvelles galeries provinciales et quatre projets non commerciaux.

Cosmoscow (jeu de mot sur « because of Moscow » et « cosmopolite ») n’en est pas à son coup d’essai. Une première édition s’est déroulée en 2010 dans un espace plus réduit à « Octobre Rouge », une friche industrielle très courue. Fondé par Margarita Pushkina, collectionneuse et historienne de l’art, et rejointe par Sandra Nadvertskaia, qui a travaillé 10 ans chez Christie’s, Cosmoscow a ensuite fait une longue pause, changé de format et de partenaire pour afficher désormais une ambition internationale.

Margarita Pushkina souligne que le succès de l’édition 2014 doit beaucoup à l’aide de Christie’s, qui a mis à disposition son réseau de clients, ses experts et a participé à la réalisation du catalogue. Le centre d’art « Garage », l’une des principales institutions de l’art contemporain russe, a fonctionné « en synergie » avec Cosmoscow, selon sa co-directrice. Les galeries participantes devaient répondre à une condition : présenter au maximum deux artistes russes, « pour garder une cohérence et être en conformité avec le marché international de l’art contemporain ». Une mauvaise habitude très persistante héritée de l’ère soviétique consiste en effet à présenter systématiquement des « expositions collectives ». « Nous voulons que les galeries présentent en profondeur le travail d’un artiste, car c’est ce que demandent aujourd’hui les collectionneurs », explique Margarita Pushkina. Dans les faits, les galeries étaient autorisées à « faire tourner » leurs artistes, c’est-à-dire à ne présenter que deux artistes en même temps, mais en les changeant d’un jour sur l’autre. Une poignée de galeries n’ont pas été retenues par les organisateurs « pour des motifs esthétiques, car ils ne correspondaient pas à notre standard ».

Cette politique sélective a été bien accueillie par des acteurs, qui ont dans leur ensemble salué le travail réalisé par Cosmoscow. Stanislas Bourgain, qui dirige une galerie portant son nom, et largement dédiée à l’art contemporain russe, établit une comparaison entre la défunte foire Art-Moscow et Cosmoscow, qui « est d’un bien meilleur niveau par la sélection des galeries » et compte « plusieurs galeries étrangères de qualité ». Plusieurs participants ont d’ores et déjà annoncé qu’ils reviendront l’année prochaine, telle Justine Birbil, directrice de Michael Werner Gallery (New York, Londres, Trebbin), très satisfaite d’avoir vendu à un collectionneur russe le Portemanteau (1965) de Marcel Broodthaers, une des oeuvres-phares de cette édition.

Confiante dans l’avenir, Margarita Pushkina compte organiser la prochaine édition de Cosmoscow à la même saison, c’est-à-dire septembre/octobre, afin de coïncider avec la 6ème biennale de Moscou. « Les collectionneurs russes, qui étaient auparavant centrés sur l’art classique ou le début du XXe siècle, s’intéressent de plus en plus au contemporain », assure-t-elle. « Et les sommes qu’ils sont prêts à dépenser augmentent ». Pour elle, il n’est pas exact d’affirmer que le marché se déplace hors des frontières russes. Sans nier les difficultés créées par le climat politique de plus en plus conservateur, elle souligne que Cosmoscow n’a jamais subi de pression des pouvoirs publics. Elle voit aussi par ailleurs une nouvelle tendance se dessiner chez les jeunes artistes « plus intéressés par l’introspection que par l’expression d’opinions ». Reste à déterminer s’il s’agit d’une tendance lourde, ou plutôt d’une entente implicite entre artistes et acteurs du marché de l’art pour passer sous le radar des censeurs.

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