Sotheby’s dans l’essoreuse de ses actionnaires

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 3 mars 2014 - 877 mots

NEW YORK (ETATS-UNIS) [03.03.14] - Alors que les ventes de Sotheby’s ont bondi de 17 % en 2013, son action a été très chahutée à la bourse de New York vendredi 28 février, pour finir en baisse de 6,7 %. Un nouvel épisode des relations tumultueuses entre l’auctioneer et ses actionnaires.

Le piège pour une société côté en bourse comme Sotheby’s, la seule qui le soit de son secteur, est que plus elle trompète ses records de ventes que la presse reprend à l’envi, plus elle aiguise l’appétit de ses actionnaires qui en retour se montre de plus en plus exigeants.

Après avoir indiqué en décembre dernier, que le produit de ses adjudications avait augmenté de 19 % en 2013, la société new-yorkaise vient de rendre public ses résultats complets pour le dernier trimestre et par la même ses résultats de l’année. Son chiffre d’affaires total, qui inclut les ventes de gré à gré et les produits financiers a progressé de 17 % pour s’établir à 6,3 milliards de dollars. Une performance qui ravirait la plupart des commissaires-priseurs. Mais voilà, un actionnaire regarde d’abord les bénéfices de l’entreprise et les dividendes qui vont lui être versés. Or la dernière ligne du compte d’exploitation de Sotheby’s n’est pas aussi flatteuse que son chiffre d’affaires, du moins aux yeux des actionnaires.

L’offensive de deux hedge funds
Deux fonds spéculatifs, Marcato Capital Management et surtout Third Point appartenant à Daniel Loeb ont acheté tout au long de 2013 des actions de Sotheby’s au point de détenir à eux deux près de 16 % du capital. Ils veulent pousser la direction de Sotheby’s à augmenter les marges et vendre des actifs afin de toucher plus de dividendes ou augmenter le cours de bourse et empocher une belle plus-value en revendant leurs actions.

Les comptes leur donnent en partie raison. Le chiffre d’affaires réel d’une maison de ventes n’est pas le produit des adjudications ou des ventes de gré à gré (qui ont bondi de 30 %), mais sa commission sur ses ventes. Or, pour prendre des affaires, Sotheby’s a été obligée de diminuer la commission qu’elle verse aux vendeurs entraînant une baisse du taux moyen de 16,3 % à 15,9 %. Ainsi le chiffre d’affaires réel 2013 n’a augmenté que de 11 %. Mais dans le même temps, les dépenses ont augmenté de 13,9 %, plus vite que les recettes. La marge opérationnelle n’a ainsi augmenté que de 3,8 % pour atteindre 222 millions d’euros.

450 millions de dollars aux actionnaires
Sous la pression des deux hedge funds, la direction de Sotheby’s a annoncé le 30 janvier dernier, un vaste plan visant à donner plus d’argent aux actionnaires. Elle va ainsi puiser 300 millions de dollars (dont 250 millions en provenance de ses filiales à l’étranger) dans ses réserves et les verser ce mois-ci sous forme de dividendes, ne conservant plus que 90 millions de dollars en caisse. Elle s’est engagée à racheter sur 5 ans, pour 150 millions de dollars de ses propres actions, ce qui artificiellement augmente le revenu par action et fait monter les cours.

Elle a également mis en œuvre un plan d’économie de 22 millions de dollars en 2014 (ce qui représente 4 % de ses dépenses) et envisage de revendre tout ou partie de ses locaux à New York et à Londres afin de reverser le produit de la vente aux actionnaires. Enfin, pour augmenter la rentabilité à long terme, elle va scinder ses activités en deux sociétés : Sotheby’s Agency qui va héberger les activités de ventes aux enchères et de gré à gré et Sotheby’s Financial Services qui s’apparente un peu au Crédit Municipal français en faisant du prêt sur gage d’objets d’art.

Ultérieurement, Sotheby’s a même offert un siège au conseil d’administration à l’essoreur Daniel Loeb. Mais celui-ci en veut trois. Ce n’est pas encore assez pour Marcato Capital Management qui réclame 1 milliard de dollars au lieu des 450 millions promis par la direction de Sotheby’s

L’action a perdu 6,6 % vendredi
Toutes ces bonnes nouvelles pour les actionnaires de Sotheby’s, malgré les rodomontades de Marcato Capital Management, qui le sont un peu moins pour ses salariés et fournisseurs, ont élevé les attentes des boursicoteurs. Alors qu’en 2012, le bénéfice par action du dernier trimestre était de 0,96 dollar, en 2013 il a bondi à 1,3 dollar. Pas assez cependant pour ces derniers qui attendaient 1,4 dollar. L’action a chuté vendredi 28 février de 6,7 % à 47 dollars après l’annonce des résultats, atteignant même une baisse de 8 % en cours de séance. Pourtant, ils n’ont pas à se plaindre du cours de bourse de l’auctioneer, qui depuis quelques mois est au plus haut de son histoire. Elle valait encore 7 dollars en février 2009.

Il faut dire aussi que Sotheby’s a annoncé la veille que l’acheteur en novembre dernier du diamant Pink Star n’avait pu payer les 83 millions de dollars. Or l’auctioneer avait garanti la vente, de sorte qu’il est obligé de racheter le diamant et de verser la commission au vendeur, une perte sèche.

Sa rivale Christie’s qui se réjouit tous les jours d’échapper à la dictature des résultats trimestriels, n’en est pas moins elle-aussi sous pression de son propriétaire François Pinault, qui n’est pas un tendre en affaires.

Légende photo

Sotheby's Londres - 2008 © photo Ludosane

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