Justice

L’expert contesté Christian Parisot autorisé à conserver les archives de Modigliani

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 10 février 2014 - 655 mots

ROME / ITALIE

ROME (ITALIE) [10.02.14] - Le français Christian Parisot institué par la fille de Modigliani, est le légitime « propriétaire » de plus de 6 000 documents personnels de Modigliani et des tampons servant à authentifier ses œuvres selon une décision récente de la justice italienne. Problème : il lui est reproché d’avoir exposé 22 faux tableaux de l’artiste.

Christian Parisot aura connu, par deux fois en quelques mois, les honneurs du tribunal de Rome. Dans l'attente de la décision lui reprochant d'avoir présenté vingt-deux faux comme authentiques, lors d'une exposition au Musée Archéologique de Palestrina, l'expert et président de l'Institut Modigliani a été déclaré légitime propriétaire du fonds documentaire et des tampons d'authentification, que la fille unique de l'artiste, Jeanne Modigliani, lui avait cédés.

Le 30 décembre 2013, le tribunal civil de Rome a rejeté l'ensemble des demandes de Laure Nechtschein Modigliani, une des deux petites-filles de l'artiste. Celle-ci contestait un écrit rédigé en 1982 par sa mère, confiant à Christian Parisot « la gestion de tous les documents, manuscrits et photographies, jusqu'alors recueillis et conservés, afin de promouvoir la diffusion des oeuvres de son père » et attestant de la création d'une fondation, les Archives Légales Amedeo Modigliani, dont la gestion était également confiée à l'expert.

Le tribunal se fonde tout à la fois sur l'intention de Jeanne Modigliani et sur les raisons d'une telle cession, afin d'en affirmer la légitimité et de rejeter la qualification de donation. La relation de confiance entre la fille de l'artiste livournais et l'historien d'art français avait, ainsi, déjà pris forme en 1974. Christian Parisot avait alors reçu l'ensemble des documents en possession de l'héritière, à charge d'en assurer la gestion et la reproduction. Huit ans plus tard, Jeanne Modigliani lui confiait les très précieux tampons, permettant d'authentifier les éventuelles reproductions, à charge, une nouvelle fois, de ne jamais les aliéner, sauf pour les apporter à une institution ou à une fondation dédiée.

Dès lors, selon le tribunal, un « commun accord » existait entre ces deux protagonistes sur l'utilisation de ces différents biens. La fille de l'artiste ne s'était donc nullement appauvrie au profit de Parisot, mais avait, au contraire, confié à celui-ci le soin de valoriser l'oeuvre de Modigliani, par le biais de futures publications, de la mise à jour, de manière rigoureuse et scientifique, de son catalogue raisonné et de la création d'une fondation.

Par ailleurs, le tribunal précise que Christian Parisot n'est nullement titulaire du droit moral de l'artiste, un tel droit étant inaliénable, à l’instar de la législation française.

Pour autant, grâce à ce fonds documentaire, confié à l'Institut par le biais d'une licence, Christian Parisot s'est imposé comme un des principaux experts mondiaux de l'oeuvre Modigliani. Or, celle-ci soulève un réel problème de recension, ainsi qu'en attestent les très nombreuses controverses sur les catalogues raisonnés existant, dont celui de Christian Parisot. Ainsi, l'Art Catalogue Index, bible internationale d'appréciation des catalogues raisonnés, retient pas moins de cinq auteurs de catalogues pour la seule oeuvre de Modigliani. Mais seul le catalogue établi par Ambrogio Ceroni est enregistré comme véritable catalogue raisonné.

A cet égard, les deux maisons leaders du marché de l'art, Sotheby's et Christie's, s'appuient uniquement sur les ouvrages de Ceroni lors de la présentation d'une oeuvre de Modigliani dans leurs catalogues de ventes. Ce dernier étant désormais en partie décrié, le marché attendait impatiemment la parution d'un nouveau catalogue raisonné, établi par Marc Restellini pour le compte de l'Institut Wildenstein. Annoncé pour 2006, aucune date de parution n'est, à ce jour, avancée, preuve de la complexité et des enjeux liés à l'inclusion ou au refus d'inclusion d'une oeuvre attribuée à Modigliani dans un tel ouvrage.

En tout état de cause, la comparution de Christian Parisot, le 6 février dernier, devant la justice italienne devrait fragiliser la portée de son catalogue. L'expert est, en effet, accusé d'avoir authentifié dix-huit faux Modigliani, d'une valeur totale de 6,6 millions d'euros, au profit du marchand Matteo Vignapiano.

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Christian Parisot, président de l'Institut Modigliani - © Photo Franco Giordano - 2012 - Licence CC BY-SA 3.0

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