Le Brésil tente un bon(d) culturel

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Le 20 janvier 2014 - 494 mots

SAO PAULO (BRESIL) [20.01.14] - Vendredi 17 janvier avait lieu au Brésil le lancement officiel de la Vale-Cultura. Cette carte prépayée à destination des salariés modestes est la mesure culturelle phare du mandat de Dilma Roussef.

Après 5 ans d’aller-retour au congrès et un an et demi de mandat, la ministre de la Culture Marta Suplicy a lancé vendredi 17 janvier à São Paulo le projet conçu en 2009 par Lula et l’ex-ministre Juca Ferreira : le Vale-cultura. Cette carte magnétique prépayée, dotée chaque mois de 50 R$ (16 €) par les employeurs (devant préalablement adhérer au programme) est destinée aux salariés demandeurs gagnant entre un et cinq fois le salaire minimum - qui est de 630 R$ (200 euros), soit moins de 1000 €. L’entreprise peut déduire fiscalement l’avantage consenti au salarié, dans la limite de 1% de l’impôt annuel dû.

Avec cette carte, le salarié en « CLT », équivalent du CDI français, peut acheter des billets d’entrée dans les musées, cinémas, théâtres, concerts, cirques, fêtes traditionnelles, des cours de pratique artistique et toutes formes de biens dits culturels : instrument de musique, livres, disques, dvd, revues, journaux, artisanat…

Le dispositif est conçu d’après un double modèle : sur la forme, il s’inspire des cartes de transport et d’alimentation proposées par beaucoup d’entreprises à leurs salariés ; dans l’esprit, référence est faite à la Bolsa Familia, réforme majeure de lutte contre la pauvreté réalisée par Lula lors de son premier mandat. Il s’agit ainsi, pour la ministre, « après l’alimentation, de s’attaquer à la nourriture de l’âme ». Le parallèle semble trop ambitieux, tant sont nombreuses les critiques des professionnels.

D’abord, la description de bien culturel est large, ce qui rendra difficile le contrôle des achats. Dans les Etats ruraux, ni cinéma ni librairie. Pour beaucoup, l’Etat fédéral devrait créer des MJC à la campagne ou subventionner des pratiques d’excellence en ville, plutôt qu’aider les industries culturelles déjà rentables. Les critiques soulignent que cette mesure axée sur la demande serait valable si l’éducation était une priorité budgétaire de longue date de l’Etat, ce qui n’est pas le cas. Enfin, si la mesure est destinée en priorité aux foyers modestes, on remarque que les travailleurs pauvres, quand ils sont déclarés, ne sont pas forcément salariés, encore moins en CLT. Et que rien pour le moment n’oblige leur entreprise à adhérer au régime et à son apparente complexité bureaucratique.

En ce jour de lancement du dispositif (plusieurs Etats l’ont en réalité déjà mis en œuvre, n’ayant pas été informés d’une inauguration officielle) et après 4 mois de campagne d’information du ministère, 1 235 entreprises ont demandé des cartes pour 340 000 travailleurs (dont 12 % de la seule Banque du Brésil). On est loin des 42 millions de salariés ciblés qui obligeraient l’Etat, dans ce cas, à verser 25 milliards de R$ annuels (8 Mds d’euros) d’aide à la consommation culturelle. Mais Dilma Roussef peut lever la tête, c’est une promesse de campagne tenue.

Légende photo

La ministre de la Culture Marta Suplicy tenant la carte Vale-Cultura lors de son lancement officiel le 17 janvier 2014 - © Photo Luiz Carlos Murauskas / CulturaGovBr - Licence CC BY 2.0 

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