Biennale

La biennale de Melle veut ré-enchanter ses visiteurs

Par Pauline Vidal · lejournaldesarts.fr

Le 6 août 2013 - 575 mots

MELLE [06.08.13] - Dans le flux continu des expositions d’art contemporain, la Biennale de Melle offre, à travers les œuvres d’une trentaine d’artistes, une bouffée d’oxygène régénérante. Une dixième édition qui tranche avec les précédentes.

La Biennale de Melle fête ses dix ans. Les dernières éditions de cette manifestation se firent les caisses de résonance du chaos social, écologique et politique de notre monde. Le nouvel opus intitulé « être humain et le savoir ensemble », titre emprunté à l’ouvrage du paysagiste philosophe Gilles Clément, Thomas et le voyage, invite au ré-enchantement. C’est ainsi que le mot « jouissance » rejoint sur le fronton de l’hôtel de ville, la trilogie républicaine « liberté, égalité, fraternité ». Nourrie par la pensée de philosophes et poètes comme Antoine Emaz, René Ghil, Edgar Morin, l’initiatrice et directrice artistique de cette manifestation, Dominique Truco, a disséminé dans le tissu urbain les œuvres d’une trentaine d’artistes qui « exaltent les valeurs profondes et poétiques de l’existence humaine ».

« Dans notre société qui transforme en valeur marchande la vie elle-même, la poésie reste un rempart, un acte définitif de résistance » déclare le poète Serge Pey qui présente à l’Hôtel Médoc ses « puits d’infini ». L’infini comme aspiration fondamentale de l’être humain est bien ce que pointe aussi avec une élégance teintée de mélancolie, les films de Nicolas Kozakis (né en 1967) réalisés avec la collaboration de Raoul Vaneigem (né en 1934) et Eugène Savitzkaya (né en 1955), ou encore la forêt fluorescente d’Eric Winarto (né en 1980), les Souffleurs de Suzanne Lafont (née en 1949) , ou les empreintes lumineuses d’un corps qui s’élance au milieu des étoiles de Laurent Pernot (né en 1980).

Toujours dans cet hôtel, la vidéo de Cristina Lucas (née en 1973) d’une beauté sidérante, fait d’un rituel de purification, un chemin possible vers l’Autre. Il faut réinventer le monde, cultiver « un territoire mental d’espérance » souffle Gilles Clément qui a pour l’occasion imaginé un nouvel Abécédaire dont il s’entretient avec le philosophe Gilles A. Tiberghien dans un film plein d’humour.

A quelques pas de là, l’Eglise Saint-Savinien est le théâtre d’un face à face cosmique : un « tableau éphémère » de Christian Jaccard et un Jardin flottant de l’artiste japonais si rarement exposé en France, Motoi Yamamoto, célèbrent le cycle de la vie et de la mort. Aux traces de suie laissées par les flammes répondent de délicates arabesques blanches dessinées à même le sol avec du sel qui retournera à la mer à l’issue de la manifestation.

La magie opère également à l’Eglise Saint-Pierre. The Lovers de Bill Viola (né en 1951), par le format modeste de l’écran et sa disposition sous le vitrail de la crucifixion, se transforme en expérience quasi mystique. De même que la vidéo de Sigalit Landau (née en 1969), Deadsee et la photographie de Fergus Martin & Anthony Hobbs, qui méditent sur le don et le sacrifice.

L’espace public offre aussi de belles réussites, comme les sculptures anthropomorphes de Christian Lapie (né en 1955) installées dans les parcs de la Maladrerie et de Bretagne tels des totems protecteurs, ou le nouveau jeu d’optique de Felice Varini (né en 1952) sur les façades des maisons du quartier Saint Hilaire qui repose à sa manière la question de l’infini.

De ce parcours en forme de dérive physique, esthétique et philosophique, on sort revigoré. « L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme » disait Malraux.

Légende photo

Fergus Martin & Anthony Hobbs (Irlande) Frieze, 2013, 11 photographies, 120 x 230cm, en collaboration avec Anthony Hobbes. My Paradise is here, photographie, 106 x 229cm • création in situ • Hôtel de Ménoc

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