Les Picassos sont à Bâle !

Par Stefan Cornic · lejournaldesarts.fr

Le 14 mai 2013 - 583 mots

BALE (SUISSE) [14.05.13] – La rétrospective qui se tient au Kunstmuseum Basel, réunissant des œuvres issues exclusivement de collections bâloises, souligne le lien particulier existant entre la cité rhénane et Picasso, mais également celui qui se noue entre collectionneurs, art et mobilisation citoyenne.

En 1967, une votation populaire permettait de débloquer un crédit de 6 millions de francs suisses pour que le Kunstmuseum puisse acquérir deux toiles de Picasso. Arlequin assis (1923) et Les deux frères (1906), laissées en dépôt au musée par la famille Staechelin pendant de nombreuses années, devaient être vendus par les collectionneurs qui faisaient alors face à des difficultés financières. En sus de leur accord donné par référendum et dans un vaste mouvement de mobilisation, les citoyens bâlois ont également donné les 2,4 millions de francs supplémentaires pour acquérir les peintures. Picasso, très touché par cette démarche, avait alors offert à la ville et son musée trois toiles, ainsi que deux dessins, dont une œuvre préparatoire aux Demoiselles d’Avignon (1907).

La rétrospective prend comme source cet événement, le titre de l’exposition « Les Picassos sont là ! » étant lui même directement repris de la banderole affichée sur la façade du musée en 1968 « Die Picasso sind da ! », et dont une très large reproduction photographique accueille le visiteur à l’entrée de l’exposition.

S’ouvrant sur une section documentaire qui renseigne sur les grandes familles de collectionneurs de Bâle et sa région comme Raoul La Roche, Rudolf Staechelin, Karl Im Obersteg, Maja Hoffmann-Stehlin, et le galeriste Ernst Beyeler, l’exposition affiche clairement l’importance de tels mécènes éclairés pour la connaissance de Picasso à Bâle (dès la première moitié du XXe siècle), et de l’art moderne en général dans cette région d’Europe. Cela permet, en outre, de comprendre comment une telle rétrospective est possible aujourd’hui à l’échelle d’une ville.

A l’ensemble d’œuvres provenant des collections du Kunstmuseum, de la Fondation Beyeler (une trentaine), s’ajoutent d’autres peintures, dessins, gravures et sculptures fournies par une vingtaine de collectionneurs privés, ayant souhaité garder l’anonymat. Le tout forme un panorama complet du travail de Picasso, sur soixante-dix ans de création, de La buveuse d’absinthe de 1901, année de son arrivée à Paris, à des œuvres de 1970 lorsqu’il résidait dans le sud de la France, en passant par des natures mortes cubistes, une Tête de femme de sa période néo-classique ou encore par la surréaliste Femme qui pleure (1937). Des variations sur les inspirations des maîtres, chers à Picasso, sont illustrées par des relectures de L’enlèvement des Sabines (1962) ou des Demoiselles des bords de la Seine, d’après Courbet (1950). Les dessins, nombreux (une centaine d’œuvres sur papier), présentent également une déclinaison sur le thème de l’artiste dans son atelier.

Organisé de manière chronologique, l’accrochage des commissaires de l’exposition, Anita Haldemann et Nina Zimmer, crée très souvent des dialogues entre les œuvres, par paires, à l’instar des deux toiles achetées en 1967 qui se font face d’un bout à l’autre de l’aile de la première partie de l’exposition. Des œuvres de provenances, d’approches ou de techniques différentes se répondent.

Le Kunstmuseum de Bâle, qui connaît actuellement une nouvelle étape dans son développement - en plein travaux pour son extension, fait valoir l’importance des collectionneurs, mais également du public. Véritable pivot de l’exposition, la population bâloise fait l’objet d’une grande salle d’archives où photographies, journaux, documents et film sur « l’année Picasso 1967 » interpellent le visiteur quant au rôle qu’il peut jouer en tant que citoyen engagé pour la création artistique et sa conservation.

Légende photo

Kunstmuseum de Bâle - © Photo Stefan Cornic

La banderole affichée sur la façade du musée « Die Picasso sind da ! », Kunstmuseums Basel, 6 janvier 1968 - © Photo Kurt Wyss

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