L’Ermitage de Saint-Pétersbourg menacé de censure

Par Anouk Rijpma · lejournaldesarts.fr

Le 19 décembre 2012 - 497 mots

SAINT-PETERSBOURG (RUSSIE) [19.12.12] – Au cœur d’une bataille judiciaire initiée par une centaine d’extrémistes religieux jugeant blasphématoire l’exposition « The End of the Fun » des frères britanniques Chapman dévoilée depuis le 20 octobre 2012, l’Ermitage accuse l’Etat poutinien de « voyoucratie » pour son soutien toujours plus croissant à l’église orthodoxe russe.

Bien que l’épilogue de la bataille judiciaire qui oppose le célèbre musée de Saint-Pétersbourg – l’Ermitage - à quelques centaines de militants chrétiens orthodoxes de Russie n’ait pas encore acté, il pourrait en revanche témoigner une fois de plus, de la collusion toujours plus forte entre l’Etat poutinien et l’église orthodoxe russe.

En cause : l’exposition « The End of the Fun » ouverte le 20 octobre dernier à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, des deux artistes britanniques Jake et Dinos Chapman, laquelle dévoile des petites figurines en plastique habillées pour certaines, d’uniformes nazies et disposées de telle sorte que vu d’en haut, l’ensemble a des allures de svastika (croix gammée), mais également un Ronald McDonald crucifié - emblème de la restauration rapide - ou encore le scientifique Stephen Hawking discutant avec Adam et Eve.

La mention « désastres de la guerre » indiquée sur le site internet du musée, visant à caractériser le « genre » de l’exposition - par ailleurs interdite aux moins de 18 ans - n’aura pas suffi à calmer les ardeurs des membres actifs de la puissante église orthodoxe. Le parquet de Saint-Pétersbourg a reçu une centaine de plaintes en appelant à l’annulation pure et simple de l’exposition des deux frères britanniques.

Ces derniers ont décidé de prendre la polémique avec humour et dérision, espérant seulement que « le procureur nommé pour enquêter sur ces accusations d’extrémisme … » – lequel tente déjà de faire valoir une violation de loi contre incitation à la haine - « … pourra accepter nos excuses extrêmes », avant de rétorquer toutefois sur une touche bien moins complaisante : « Nous n’irons plus jamais en Russie. »

« Cette investigation constitue une tentative pour nous dicter des conditions, et ce par voyoucratie… nous ne pouvons tolérer cela », s’est insurgé Mikhaïl Piotrovsky, le directeur du musée. « L’art possède son propre langage… Si vous ne le comprenez pas, passez votre chemin », a renchéri Piotrovsky en marge d’une conférence à Moscou, avant de dénoncer dans un communiqué « l’inculture croissante de la société » y précisant notamment : « Des personnes pensent que des croix chrétiennes ont été profanées parce qu’un ours en peluche et le clown de Mc Donald ont été cloués dessus. Il n’y a rien de blasphématoire là-dedans. »

Depuis la condamnation de deux des trois jeunes femmes du groupe punk Pussy Riot à deux ans de camp pour avoir proféré des slogans anti-Poutine dans la cathédrale moscovite du Saint-Sauveur, suivie de l’annulation d’une exposition d’art contemporain « Icônes » comprenant des œuvres à caractère religieux, la justice russe n’en apparaît que plus ralliée à la cause des milieux conservateurs et religieux.

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Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg, Russie - © Photo Dennis Jarvis - 2009 - Licence CC BY-SA 2.0

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