Au Canada aussi le nouveau musée d’histoire fait débat

Par Lucile Pages · lejournaldesarts.fr

Le 18 octobre 2012 - 712 mots

OTTAWA-GATINEAU (CANADA) [18.10.12] – Le Musée canadien des civilisations situé à Gatineau au Québec change de nom dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire du pays (2017) et devient le Musée canadien de l’histoire. Ainsi en a décidé le gouvernement Harper mardi 16 octobre. Non sans susciter une polémique.

C’est un étonnant musée que celui des civilisations. Son architecture unique ondulée s’étalant sur 100 000 mètres carrés le long de la rivière Outaouais à Gatineau, en face de la capitale Ottawa, en a fait un des symboles reconnus et appréciés des canadiens. Créé en 1856 par la Commission Géologique du Canada, il est d’abord situé à Montréal. Le musée de géologie élargie alors petit à petit ses collections à l’anthropologie, la faune et la flore, le folklore, etc., pour devenir en 1983 le Musée national de l’Homme, et trois ans plus tard, le Musée canadien des civilisations (MCC). Aujourd’hui, il est géré par la Société (d’État) du Musée canadien des civilisations (qui comprend le MCC, le Musée canadien de la guerre et le Musée virtuel de la Nouvelle-France).

Outre son exhaustive collection permanente, il est célèbre pour sa muséographie ; ses reproductions à échelle humaine de villes, ses cabinets de curiosités et ses parcours interactifs. La seule section du « musée des enfants » regroupe déjà plus de 15 000 pièces.

Mais à l’approche de son 150e anniversaire, le Canada, cette jeune nation caractérisée par son multiculturalisme, redouble de questionnement identitaire. Et notamment des questions sur l’absence d’une institution nationale sur son histoire.

Dans le cadre de cette célébration, le gouvernement Harper a donc décidé de proposer une modification de la loi des musées en vue de créer le Musée canadien de l’histoire. Un changement qui aura lieu dès l’année 2013, et se déploiera jusqu’en 2017. Le projet nécessite, du moins pour ses débuts, un budget de 25 millions de dollars, financé par l’État. Pour la suite, le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, James Moore, compte sur les partenariats privés. D’ici 2017, le MCC bénéficiera d’un agrandissement de plus de 15 000 mètres carrés, et d’une nouvelle salle dédiée aux échanges d’expositions avec les institutions culturelles canadiennes. Le gouvernement souhaite apporter « un nouveau focus sur l’histoire canadienne » au mandat du musée et l’élaboration de nouvelles ressources pour la recherche. James Moore a cependant précisé que le MCC aurait à charge les modifications de sa collection permanente actuelle.

Depuis l’annonce, le site du musée propose une nouvelle interface interactive dans laquelle le public peut se prononcer sur la future muséographie et scénographie du Musée de l’histoire et le choix de la collection permanente.

Ce grand projet, qui a déchaîné la presse nationale, est plutôt bien accueilli par le monde muséal. Le président-directeur du MCC, Mark O’Neill, parle de cadeau à la nation « qui n’a jamais jusqu’à présent eu de musée entièrement dédié à son histoire nationale ». « Cela confirme leur statut en tant que gardien de notre patrimoine national et cela évitera la confusion avec le Musée de LA civilisation à Québec » affirme Audrey Vermette de l’Association des musées canadiens.

Pourtant, l’opposition politique et quelques universitaires ne voient pas la chose du même œil. « Il faut accueillir ces décisions avec une grande précaution », écrit l’historien Laurent Turcot. Mettant en perspective cette information avec de récents événements tels que le cadeau d’un nouveau portrait à la reine Elizabeth II au frais du contribuable, ou le remplacement des toiles du peintre québécois Alfred Pellan au Ministère des Affaires étrangère par un portrait de la souveraine et les nombreuses célébrations nationalistes de 2012, Turcot dénonce « une tentative insidieuse [des dirigeants] de transformer la manière de concevoir l’histoire ».

L’opposition politique quant à elle s’est empressée de critiquer la « propagande conservatrice dissimulée derrière la décision gouvernementale ». D’autres, plus nuancés, critiquent le repli identitaire du MCC, comme Nycole Turmel, une député du nouveau parti démocrate du Québec (NPD), qui prône une ouverture de l’institution sur le monde. Certains redoutent « que cela ne remette de l’huile sur le feu » dans un contexte de disparités grandissantes entre les visions nationalistes québécois et canadiennes, surtout depuis l’élection du PQ (le parti québécois) à la tête de la province francophone, en faveur de la souveraineté québécoise.

Légende photo

Musée des civilisations, Ottawa, Québec, Canada - © Photo D. Gordon E. Robertson - 2008 - Licence CC BY-SA 3.0

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