Fermeture définitive du Musée national de Bosnie

Par Romain Bouvet · lejournaldesarts.fr

Le 8 octobre 2012 - 550 mots

SARAJEVO (BOSNIE-HERZÉGOVINE) [08.10.12] – Le soutien financier très insuffisant de l’Etat bosniaque entraîne la fermeture de nombreux établissements culturels en Bosnie. Malgré le soutien de la population et l’indignation du personnel, le Musée national a dû se résoudre à fermer ses portes.

« Honte ». Le mot a été scandé à maintes reprises lors de la manifestation de plus d’un millier de personnes qui s’étaient réunis pour protester contre la fermeture définitive du Musée national de Bosnie rapporte Reuters . Un mot également repris par Enver Imamovic, qui fut directeur du musée pendant le siège de Sarajevo. « Honte à nos hommes politiques pour avoir laissé le musée, l’institution la plus prestigieuse de cet Etat et qui n’a pas fermé un seul jour durant la guerre, fermer ses portes maintenant, en temps de paix » a-t-il déclaré.

Car c’est le manque de soutien de l’Etat bosniaque qui force aujourd’hui ce musée ouvert depuis 124 ans à fermer ses portes. Il faut dire que le fragile gouvernement actuel est en pleine reconstruction et ne comporte pas de ministre de la culture. Par ailleurs, les accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre de Bosnie en 1995 n’ayant pas précisé à qui revenait la responsabilité des sept institutions culturelles majeures que compte le pays, aucune des deux régions autonomes (la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine et la République serbe de Bosnie) qui constituent l’actuelle Bosnie-Herzégovine ne considère le devenir du Musée national comme étant de leur ressort. La culture est actuellement gérée par le ministère des affaires civiles.

Avec un budget pour la Culture de 1,54 million d’euros par an, réparti par le gouvernement central entre toutes les institutions culturelles du territoire, il est compréhensible que le Musée national, dont les frais de fonctionnements annuels atteignent à eux seuls 691 000 euros ne puisse fonctionner normalement. Adnan Busuladzic directeur du musée a rapporté que les 60 employés du musée n’avaient pas été payés depuis un an. « Une institution aussi complexe ne peut pas fonctionner de manière improvisée. L'argent pour les salaires des employés et les frais de fonctionnement doit être versé par les autorités » a-t-il ajouté. Le personnel du musée a porté plainte devant un tribunal local contre le gouvernement bosnien, l’accusant de « négligence » à l’égard d’une institution d’Etat.

Le Musée national n’est pas la première victime de l’hécatombe culturelle qui sévit en Bosnie. La Galerie nationale en 2011 et le musée d’histoire en 2012 n’avaient eu d’autre choix que de fermer. La Bibliothèque nationale est aussi en proie à de sérieux problèmes financiers, à tel point qu’elle a dû couper le chauffage l’hiver dernier.

Ouvert en 1888, le musée avait été agrandi en 1913 par l’architecte tchèque Karel Pařík (1857–1942) qui avait développé un ensemble symétrique de 4 pavillons dont l’architecture s’inspire de la renaissance italienne, respectivement occupés par une bibliothèque et par les sections archéologie, ethnologie et histoire naturelle. La pièce maîtresse du musée était la célèbre Haggadah de Sarajevo, un des plus vieux manuscrits hébraïques de ce genre encore existant. L’institution aura survécu à la chute de l’empire austro-hongrois, aux deux guerres mondiales et à l’éclatement de la Yougoslavie pour finir par s’éteindre, faute de moyens, ses portes barrées par deux planches sur lesquelles ont peut lire « fermé », en anglais et en bosnien.

Légende photo

Musée national de Bosnie-Herzégovine, Sarajevo - © Photo Mazbln - 2006 - Licence CC BY-SA 3.0 

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