Serge Salat et Françoise Labbé, pour en finir avec l’espace

L'ŒIL

Le 1 décembre 2001 - 449 mots

En quoi consiste votre démarche dans cette exposition ?
Nous allons plonger le spectateur dans des hybridations d’espaces tridimensionnels. Dans cette œuvre, les perceptions seront très ambiguës puisque le corps sera engagé dans une suite d’environnements où le réel sert à créer des espaces virtuels. Nous travaillons donc sur la perte des repères puisque la stabilité des référentiels est bouleversée. C’est une suite de quatre espaces imbriqués les uns dans les autres où le spectateur est invité à déambuler. Pour être plus précis, cette installation est une série de fragments de cubes qui, grâce à des jeux de miroirs et à un éclairage particulier, donne l’illusion d’une continuité absolue. Dans cette pièce, cette illusion vient du fait que les formes (poteaux, lumières, charpentes) traversent les miroirs. Elle naît aussi de la symétrie parfaite de toutes les composantes. Mais nous ne voulons pas trop décrire l’ensemble pour laisser au public la surprise de cette expérience.

De quand datent vos premiers projets ?
De la Biennale de Milan en 1988. Nous étions invités à réaliser la scénographie du pavillon français. Mais c’est véritablement en 1989, avec une exposition à l’Institut français d’architecture, que nous avons développé ce qui allait devenir notre axe de recherche. Nous avions tendu les pièces de noir. Des formes de métal traversaient les cloisons pour se poursuivre de pièces en pièces. La dernière salle était habillée de miroirs afin de bien indiquer notre volonté d’en finir avec l’espace. C’est à partir de cette expérience que nous avons construit notre premier cube.

Comment en êtes-vous venus à développer cette théorie sur les fractales, le miroir et l’infini ?
C’est venu après. Mais nous tenons à préciser que l’actuelle installation ne traite justement pas de l’infini. Notre travail n’est donc pas une simple expérimentation plastique sur des formes architecturales. Au contraire, il faut prendre nos réalisations comme des expérimentations existentielles. Nous souhaitons  que les gens expérimentent un rapport à eux-mêmes. L’espace dans lequel nous travaillons n’est pas un espace social, ni même un espace territorial. C’est un espace-temps.

Ces espaces sont donc des activateurs psychiques ?
Indéniablement. Tout notre travail tourne autour d’une énigme, l’énigme d’être au monde, l’énigme de l’existence. C’est en cela qu’il se rapproche métaphoriquement du théâtre Nô qui fut pour nous une influence essentielle. Il faut donc expérimenter physiquement et psychiquement l’installation de l’Espace EDF Electra. C’est une sorte de parcours initiatique dans un monde qui est entré en collision avec d’autres mondes, d’autres espaces. En faisant disparaître les murs, le sol et le plafond, nous voulons déstabiliser le spectateur. Ensuite, il est libre d’y percevoir de la joie et de la vie ou, au contraire, de la mort. En résumé, nous posons des problèmes sans solutions.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°532 du 1 décembre 2001, avec le titre suivant : Serge Salat et Françoise Labbé, pour en finir avec l’espace

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