Selon une chercheuse américaine, Vladimir Nabokov se serait inspiré de Dalí­ pour sa Lolita

Par Bénédicte Gattère · lejournaldesarts.fr

Le 10 août 2017 - 532 mots

CAMBRIDGE (ETATS-UNIS) [10.08.17] — Après le test de paternité en cours, il se pourrait qu'il existe une autre filiation, cette fois littéraire, du peintre surréaliste. L’auteur de Lolita se serait inspiré d’un texte peu connu de Dalí.

Le roman sulfureux du russe Vladimir Nabokov continue à passionner les chercheurs plus de 60 ans après sa publication. L'histoire d'Humbert Humbert, un professeur, qui se prend d'une passion érotique pour une fillette de 12 ans, adaptée au cinéma par Kubrick, ne cesse d’intriguer. En 2005, Michael Maar, un critique littéraire allemand pensait avoir trouvé un texte, une nouvelle datant de 1916 dont l'écrivain russe se serait inspiré. L'hypothèse fut très vite considérée comme fausse, Nabokov ne parlant pas allemand.

Delia Ungureanu, assistante du directeur de l'Institute for World Literature de l'université Harvard aurait trouvé une source d'inspiration qui semble plausible. Alors qu'elle effectuait un travail de recherche sur le rêve en littérature, elle a découvert une nouvelle reléguée aux oubliettes. Intitulée Rêverie : Un rêve érotique en plein jour, elle est signée de Salvador Dalí. Publiée en 1931 dans la revue Le surréalisme au service de la révolution, elle met en scène un peintre d'âge mûr qui veut séduire et violer une jeune adolescente, après avoir séduit la mère de celle-ci. La jeune fille s'appelle Dullita. Difficile de ne pas y voir un air de ressemblance avec le célèbre roman. La complexité du personnage de Lolita et l'émotion poétique qui se dégage du roman de Nabokov pourraient quant à elles puiser dans l'autobiographie de Dalí, La Vie secrète de Dalí. Publié en 1942, l'ouvrage met en scène le personnage de Dullita pour la seconde fois.

Il est possible que Nabokov ait réellement lu ces textes qui ont précédé l'écriture de son roman. Il évoluait dans les mêmes cercles que le peintre. Il existe d'ailleurs chez l'écrivain russe un certain goût pour les scènes purement surréalistes, de rêve éveillé. Une allusion directe au peintre est d'ailleurs faite dans la nouvelle intitulée Pnin.

Dans Lolita, Humbert montre à la fillette une photographie représentant un peintre et une Vénus de Milo en plâtre, plongée à mi-corps dans un étang, semblable en tout point à un cliché représentant le peintre espagnol, publié dans le magazine américain Life en 1941.

Pour la chercheuse, Dalí est une source d'inspiration indéniable pour Nabokov. Delia Ungureanu ne parle pas pour autant de plagiat. Elle verrait plutôt dans cet emprunt « un acte de réutilisation et de ré-imagination créative », selon ses mots, rapportés par PBS NewsHour.

Afin de mieux comprendre l'influence du surréalisme en littérature, un ouvrage de la chercheuse, intitulé From Paris to Tlön: Surrealism as World Literature est en cours de publication.

Précisions (17 août 2017)

A la suite de la publication de cet article, madame Dellia Ungureanu a tenu à préciser ses attributions professionnelles au Journal des Arts. Mme Ungureanu a été adjointe du directeur de l'Institute for World Literature de Harvard de 2013 à 2016. Durant ces trois années, elle a en parallèle enseigné la littérature comparée au sein de l'université américaine. Néanmoins, étant de nationalité roumaine, sa fonction principale est celle de professeur adjoint de théorie littéraire et de littérature comparée à l'université de Bucarest, qu'elle occupe actuellement. LeJournaldesArts.fr

Légende photo

Vladimir Nabokov © Photo Walter Mori (Mondadori Publishers) - 1973 - Photo sous Licence Domaine Public CC0 1.0

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