Cinéma

Revoir Paris … et ses Nymphéas

Par Adrien Gombeaud · L'ŒIL

Le 1 septembre 2022 - 446 mots

Cinéma -  Certains films arrivent à temps. Revoir Paris sort deux mois après le verdict du procès des attentats du 13 novembre 2015.

Il écrit les cicatrices d’une ville qui se referment. Une ville dont les artistes ont forgé la carapace. Un soir d’orage, Mia trouve refuge dans une brasserie du quartier de l’Opéra. Soudain, un groupe de terroristes pousse la porte et mitraille. Survivante, elle va tenter de se souvenir de ces minutes d’horreur. Dans une association, elle rencontre Félicia, une jeune fille qui a perdu ses parents dans l’attentat et reçu juste après leur dernière carte postale : Les Nymphéas de Claude Monet. Tandis que Mia reconstitue les minutes du drame, Félicia cherche à l’Orangerie le détail de la carte postale. « C’est un trajet de deuil à travers un tableau : trois nénuphars qui représentent cette famille. Ce détail, je l’ai cherché moi-même », confie la cinéaste Alice Winocour dans le café parisien où est né ce scénario.« J’ai découvert les Nymphéas enfant, et ils n’ont jamais cessé de me fasciner. Cependant, je n’étais pas retournée à l’Orangerie depuis longtemps. » En se plongeant dans l’histoire de l’œuvre, Alice Winocour s’aperçoit qu’elle répond à son scénario. « J’ignorais qu’après la Première Guerre mondiale, Monet avait offert les Nymphéasà la France, comme un lieu de contemplation d’un monde apaisé, vide de présence humaine. Il était âgé, et il y a quelque chose de tragique dans le destin d’un artiste qui, petit à petit, perd la vue en essayant de représenter la beauté du monde. Cela me touche car je suis aveugle d’un œil et que je vois donc en deux dimensions. » Alice Winocour décrit la scène de l’Orangerie comme une « catharsis » : « Devant les Nymphéas, j’avais des visions de mythologie. L’impression que Félicia se tenait au bord du Styx et qu’elle allait remonter ce fleuve vers la vie. » La mise en scène va fondre l’actrice Nastya Golubeva Carax dans l’onde de Monet. « Avec la costumière Caroline Spieth, nous avions l’idée que le personnage deviendrait un nénuphar. Aussi, nous avons tapissé la salle d’essayage de reproductions des Nymphéas.» Finalement, la comédienne est habillée en bleu, avec un sac à dos rose. « Elle devient ainsi une partie manquante du tableau ». Enfin, la cinéaste chorégraphie un mouvement de caméra circulaire, enveloppant, maternel. Un geste dicté par la composition de Monet même. Un cercle qui raconte aussi la renaissance d’une ville rendue indestructible par l’art et les artistes qu’elle inspire. « Rétrospectivement, conclut Alice Winocour, Je pense avoir reproduit une sensation que j’ai face aux œuvres d’art. Voir des œuvres qui étaient là avant nous et qui seront là après nous procure une forme d’apaisement. Une sensation qui régénère et permet ce travail de résilience. »

À savoir
« Revoir Paris » est le quatrième long-métrage d’Alice Winocour. « Augustine » (2011) s’intéressait au professeur Charcot. « Maryland » (2015) suivait l’histoire d’un soldat victime de stress post-traumatique. « Proxima » (2019) racontait le départ d’une astronaute pour une mission spatiale et sa séparation avec sa fille. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, « Revoir Paris » met en scène Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin et Nastya Golubeva Carax.
À voir
« Revoir Paris, » d’Alice Winocour. 1 h 45. En salle le 7 septembre 2022.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°757 du 1 septembre 2022, avec le titre suivant : Revoir Paris … et ses Nymphéas

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