Musée - Disparition

Quel avenir pour le musée de Saint-Cyprien après le suicide du maire ?

Par LeJournaldesArts.fr · lejournaldesarts.fr

Le 3 juillet 2009 - 945 mots

SAINT-CYPRIEN

SAINT-CYPRIEN [03.07.09] - Après le suicide en prison de son maire, Jacques Bouille, puis l’incarcération de son successeur, la ville de Saint-Cyprien, sous tutelle du Préfet, s’apprête à retourner aux urnes. Le musée de la ville, appelé Les Collections de Saint-Cyprien sera l’un des enjeux de la campagne.

Le suicide en prison en mai dernier du maire de Saint-Cyprien, marque-t-il aussi la fin de son rêve d’un grand musée d’art contemporain ? La tourmente qui balaie actuellement la municipalité pourrait bien aussi emporter cet ambitieux projet culturel.

Tout s’est passé très vite. En décembre 2008, Jacques Bouille, le maire de Saint-Cyprien est incarcéré pour « prise illégale d’intérêts et corruption ». 10 autres personnes sont également mises en examen. Le maire est maintenu en détention provisoire pour éviter qu’il n’influence les témoins. Ne supportant pas son emprisonnement, il se pend en mai 2009. Pierre Fontvieille, de l’équipe municipale, est alors élu maire à sa place. Il ferme immédiatement l’un des deux lieux d’exposition, transfert le personnel du musée au camping municipal et arrête les travaux de réaménagement du futur grand musée. Nouveau rebondissement, le 8 juin 2009, quand le nouveau maire est lui aussi mis en examen et placé en détention provisoire. L’Etat met logiquement la ville sous tutelle et désigne une délégation spéciale, chargée des affaires courantes, sous la présidence de Georges Riera, 73 ans, ancien professeur de droit et Trésorier Payeur Général. Cette délégation a notamment la charge d’organiser de nouvelles élections municipales dont le 1er tour aura lieu le 9 septembre 2009.

L’ambitieux projet d’un musée d’art contemporain au bord des plages

Toute l’affaire nait avec la disparition d’œuvres d’art normalement affectées aux « Collections de Saint-Cyprien ». L’ancien maire voulait « son » grand musée d’art contemporain, alors que les lieux sont pour le moins atypiques.

Le petit village catalan de Saint-Cyprien, sans véritable charme et un peu en retrait de la mer, a longtemps vécu de l’agriculture. Mais dans les années 60, il fait partie des nouvelles stations balnéaires aménagées le long de la superbe plage du Roussillon. La promotion immobilière s’empare alors de Saint-Cyprien plage, comme un appendice déconnecté du bourg rural. C’est également à cette époque que François Desnoyer (1894-1972), un peintre figuratif français s’installe à Saint-Cyprien. Il y accueille des artistes et organise des expositions. A son décès, il lègue à la ville sa collection comprenant des œuvres personnelles mais aussi des œuvres de ses amis peintres, Utrillo, Marquet.. Un premier espace est aménagé dans le village pour présenter cette collection.

En 1989, un médecin local, Jacques Bouille est élu maire. Il se passionne pour l’art et décide d’ouvrir en 2005 un second lieu, toujours dans le petit bourg rural, pour y organiser des expositions d’art contemporain. Son directeur Sébastien Planas, y développe une programmation très pointue digne d’un FRAC de grande ville. Le maire voit encore plus grand. Il veut faire contrepoint au dynamique musée d’art moderne de Céret, à une trentaine de kilomètres de là, et décide de transformer une grande bâtisse ancienne, située à proximité des plages sur le site des Capellans, en musée d’art contemporain.

Mais le maire a aussi pris la mauvaise habitude de toucher une « petite commission » pour tout marché local ou permis de construire, une manne dans un village qui construit à tour de bras. Les fournisseurs ont le choix entre des espèces ou des œuvres d’art. Dans le même temps, la mairie déjà lourdement endettée, on parle d’une dette de 55 millions d’euros pour une commune de 9000 habitants, achète aussi des œuvres d’art pour un montant de 5 millions d’euros. Le maire « oublie » souvent de remettre les œuvres aux deux petits musées locaux, préférant les exposer chez lui. « Il était gentil et avait une véritable addiction pour l’art » reconnaît une employée municipale récemment interrogée. Jusqu’à la découverte du pot aux roses et ses conséquences dramatiques.

Le musée, enjeu de la campagne électorale à venir

Plusieurs listes sont en cours de constitution dont émergent les deux opposants traditionnels de Jacques Bouille (UMP). La socialiste Marie-Pierre Sadourny-Gomez, 18 % au second tour des élections municipales de 2008 et le Nouveau Centre et avocat Thierry Del Poso (30 %). Ce dernier, interrogé par téléphone, reconnaît que les habitants sont peu favorables au musée « ou plus exactement aux dépenses liées au musée ». Pourtant il entend bien reprendre les travaux de restauration du site des Capellans, « qui serait terminé à 95 % » et y ouvrir un grand musée. Mais les habitants sont-ils prêts à remettre au pot, après toutes ces histoires qui ont terni l’image de leur ville ? D’autant qu’un grand flou entoure le coût réel des derniers travaux. 50 000 € pour les uns, 1,5 millions d’euros pour les autres. Tout dépend en fait du projet artistique. S’agira-t-il d’un simple lieu d’exposition « de paysages catalans » ou d’un véritable musée ? Dans le second cas, les mises aux normes techniques et les coûts de fonctionnement feraient exploser le budget. Que va devenir la collection acquise par l’ancien maire ? La vendre pour éponger les dettes de la commune ou l’exposer ? Une chose est sûre, après ces malversations, l’hypothétique musée de Saint-Cyprien aura bien du mal à se faire prêter des œuvres par les grandes institutions.

L’avenir des Collections de Saint-Cyprien parait bien sombre. Son promoteur est décédé, son directeur s’interroge sur son avenir et les habitants sont réticents, malgré les 600 abonnés gratuits de la commune. Restent les touristes qui devaient être la cible privilégiée du projet. Pour l’heure ils sont plus préoccupés par l’ensoleillement et la température de l’eau que la délectation de la collection de François Denoyer.

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