Enseignement

Pour une éducation artistique et culturelle massive

Par Jacques Attali · Le Journal des Arts

Le 5 juillet 2017 - 570 mots

PARIS

Une des priorités du précédent président de la République (dont viendra bientôt le temps de présenter un bilan beaucoup plus positif de son action que ce à quoi conduit aujourd’hui la dureté de la politique) fut l’éducation artistique.

Et il fit beaucoup, depuis l’article 6 de la loi de 2013, qui fut suivi par des actions concrètes (dans le langage abscons du ministère de l’Éducation nationale : le « référentiel de 2015 sur le parcours d’éducation artistique et culturelle » et les dix principes de la charte qui l’accompagna) ; et surtout par des moyens budgétaires en hausse d’un tiers à partir de 2013.

Pour autant, tout reste à faire. D’abord, sur le plan financier, car ce budget reste relativement dérisoire : 40 millions d’euros, soit 0,6 pour mille du budget total de l’Éducation nationale (sans même compter celui de l’Enseignement supérieur). Il devrait être au moins trois fois supérieur, si on veut véritablement être crédible. Cela ne sera pas facile, dans un contexte financier contraint, mais cela doit être absolument un choix majeur, et tout choix conduit à des sacrifices.Ensuite, parce que c’est aujourd’hui une priorité plus importante que jamais.

S’il est une leçon à tirer des dernières élections, c’est l’importance de traiter chaque Français en adulte et de fournir à chacun les moyens d’avoir accès à toutes les sources de la réussite. Et on sait maintenant que réussir sa vie passe par beaucoup plus que des diplômes, des relations, de la chance, ou de la volonté. Cela passe par une capacité critique, une curiosité inextinguible, et surtout une recherche permanente de la spécificité de chacun. Et c’est bien là le rôle essentiel de l’éducation artistique et culturelle, que d’aider chacun à se trouver, en explorant tous les champs de la création.

La France, comme n’importe quel pays, est composée d’autant de talents uniques qu’elle compte de citoyens. Chacun a une capacité créatrice enfouie au plus profond de lui. Le drame principal de l’inégalité sociale est que très peu de gens sont placés en situation de découvrir leur talent unique. Telle devrait être la fonction principale de l’éducation : non pas seulement d’apprendre les bases du savoir, dépassées avant même que l’élève ne soit sorti de l’école, mais d’aider chacun à se trouver, à devenir soi.

Et ceci doit être la base d’une véritable éducation artistique et culturelle. Celle-ci doit non seulement permettre à tous ceux qui pensent que les musées, les expositions, les salles de concert et de théâtre ne sont pas faits pour eux, de franchir cet obstacle, mais aussi de ne pas se contenter de consommer de la culture, autrement dit de devenir créatifs.

Une vraie éducation artistique et culturelle devrait donc permettre à chacun de s’essayer à toutes les formes d’art, comme on peut aujourd’hui s’essayer à de nombreux sports, jusqu’à découvrir la discipline qui convient le mieux à son talent.

Si ceci est bien fait, il faudra s’en méfier : c’est toute l’éducation nationale qui en sera bousculée : on ne peut enseigner de la même façon à des enfants résignés et à des enfants désireux de réussir leur « devenir soi ». Et plus encore, ensuite, ce sont les citoyens qui ne se contenteront plus d’assister au spectacle de leurs représentants. Et des enfants qui n’accepteront plus l’autorité des parents sans réagir. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles tant de pouvoirs, jusqu’ici, se sont opposés à donner sa vraie place à la culture dans nos sociétés.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : Pour une éducation artistique et culturelle massive

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