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Pierre Bergé, un des plus grands collectionneurs de son temps

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 8 septembre 2017 - 646 mots

PARIS

PARIS [08.09.17] - En février 2009, quand Pierre Bergé décida de mettre à l'encan les œuvres d'art et objets rassemblés patiemment avec son compagnon Yves Saint Laurent, il fut question de "vente du siècle". Thème galvaudé alors que le siècle avait neuf ans ? Certainement pas au regard des chefs-d’œuvre dispersés.

Pierre Bergé à Grenoble.
Pierre Bergé à Grenoble.

Mécène, homme d'affaires avisé, Pierre Bergé, décédé vendredi, a été tout cela mais il restera aussi comme l'un des plus grands collectionneurs de son temps. "Pierre Bergé est un peu un collectionneur de rêve pour un marchand. Il est ardent, enthousiaste, curieux et formidablement ouvert", s'enthousiasme Benoît Forgeot, un des plus grands libraires experts parisiens, interrogé récemment par l'AFP.

Les œuvres d'art et objets de la "vente du siècle", qui a rapporté 373 millions d'euros, témoignaient avant tout de cinquante années de complicité et de passion commune entre Pierre Bergé et Yves Saint Laurent dans la recherche du beau. Les deux hommes, racontait à l'AFP le commissaire-priseur Antoine Godeau, par ailleurs vice-président de la maison de ventes Pierre Bergé & Associés, aimaient chiner chez les "princes des antiquaires", Nicolas et Alexis Kugel, deux frères représentant la cinquième génération d'antiquaires de la famille. Pour la peinture, Bergé et Saint Laurent se fournissaient d'abord chez le marchand d'art Alain Tarica. Concernant les livres, Pierre Bergé "voyait un peu tout le monde", dit Benoît Forgeot.

Parmi les œuvres dispersées, des Goya, Picasso, Brancusi… En décembre 2015, à la veille de la première vente de sa fabuleuse bibliothèque, riche de quelque 1 600 ouvrages, Pierre Bergé racontait à l'AFP comment il avait acquis "Nadja", le chef-d’œuvre d'André Breton (finalement cédé à la BnF pour deux millions d'euros). "Quand je l'ai acquis, à Londres, il y a des années, j'avais l'impression d'avoir un morceau de la Croix", avait-il confié.

« Des trucs formidables »
Ce qui caractérise les collections de Pierre Bergé c'est d'abord leur éclectisme, dit Benoît Forgeot en notant que "ses moyens lui ont permis d'acquérir des trucs formidables". Pas moins de cinq catalogues pour un poids total de 10 kilos avaient été nécessaires pour présenter tous les lots de la "vente du siècle".

En octobre 2015, Pierre Bergé a décidé de se séparer de sa collection d'art islamique rassemblée dans la propriété du couple à Marrakech. "Dès notre arrivée au Maroc, Yves Saint Laurent et moi avons été fascinés par l'art islamique et nous avons décidé de le collectionner", confiait Pierre Bergé au moment de cette vente.

Peu après cette vente, Bergé a commencé la dispersion de sa bibliothèque. Au total six ventes, dont trois ont déjà eu lieu, étaient prévues d'ici 2018 tant le fond est riche. "Il est venu à la collection par la lecture, par l'amour du texte", témoigne Benoît Forgeot. "Ce n'est pas la bibliothèque d'un notaire, ce n'est pas une bibliothèque-statue, c'est une bibliothèque d'amoureux de la littérature", insiste-t-il.

Son ami Antoine Godeau confirme que "Pierre Bergé est quelqu'un qui lisait beaucoup". Libraire-expert et bibliothécaire attitré de Pierre Bergé, Michel Scognamillo, interrogé par l'AFP, se souvient qu'à l'origine la bibliothèque du mécène rassemblait "ses auteurs préférés, soit Gide, Flaubert, Stendhal...". "Puis, petit à petit, cette bibliothèque s'est développée en approfondissant les thèmes qui étaient déjà contenus sur les rayons. Flaubert a pris une importance encore plus grande, Stendhal s'est agrandi, Gide s'est approfondi". Elle s'est aussi ouverte aux auteurs étrangers et aux philosophes.

La bibliothèque de Pierre Bergé témoigne de ses goûts littéraires mais aussi de ses souvenirs de lecture de jeunesse. Contrairement aux œuvres d'art, toujours choisies avec Yves Saint Laurent, les livres c'était "sa collection à lui seul", dit Michel Scognamillo.

Sa bibliothèque révèle aussi ses dégoûts. Ainsi, pas d'œuvres d'Albert Camus. "Il ne le considère pas comme un écrivain", tranche Benoît Forgeot qui ajoute que Pierre Bergé n'aimait pas "la littérature militante homosexuelle". Antoine Godeau confiait qu'il possédait encore "une grande collection de vanités du XVIe au XVIIIe siècle".

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