Piano sur l'eau

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 29 août 2017 - 443 mots

Ouvert en juin, le nouveau centre d’art Botí­n, à Santander, est bien davantage qu’un bâtiment.

Signé par l’Italien Renzo Piano, 79 ans, cet édifice de 10 285 m2 reconfigure la ville de manière magistrale, s’installant en un emplacement stratégique qui, jadis, était tout sauf accueillant : l’ancien parking du terminal des ferries reliant Santander à Portsmouth. Ce dernier était, en outre, cerné par une importante artère. Bref, impossible, pour les habitants, d’avoir ici la moindre vue sur la baie de Santander, pourtant splendide. L’érection du Centre Botín a donc aussi été l’occasion de recomposer ce site à plus grande échelle, ladite artère, désormais souterraine, permettant de déployer, en surface, une vaste esplanade directement reliée aux jardins historiques de Pereda. Coût des travaux (bâtiment jardin tunnel autoroutier) : 80 millions d’euros, dont les trois quarts environ pour l’édifice lui-même.« Pour transformer ce lieu jadis fermé, nous devions, a contrario, imaginer un édifice entièrement ouvert, raconte Renzo Piano. On a tout de suite compris que le bâtiment devait être en suspension, afin de ne pas obturer la vue. » Pour éviter un aspect monolithique, le bâtiment, juché sur des poteaux de 7 m de haut, se scinde même en deux entités distinctes. « Je ne voulais pas perdre la liaison émotionnelle avec la mer, explique l’architecte, mais créer une connexion physique avec elle. Un axe naturel l’a dessinée : celui qu’empruntent quotidiennement les gens qui descendent du marché couvert pour rejoindre les berges. » Résultat : deux ailes oblongues, sans angles vifs, qui s’avancent en porte-à-faux sur l’eau. Dans la partie ouest, deux salles d’exposition superposées – 2 500 m2 : la collection au premier, les présentations temporaires au second – avec, au rez-de-chaussée, un café-restaurant entièrement vitré. Dans la partie est, un auditorium de 300 places et divers ateliers éducatifs. Grâce à des baies filant de bas en haut, les espaces sont largement transparents, offrant des vues imprenables sur la ville, au nord, et sur la baie et les montagnes alentour, au sud. Ces deux ailes sont reliées par une batterie d’escaliers et autres coursives, façon navire, qui permettent d’accéder à l’ensemble du centre d’art, ainsi qu’à la terrasse supérieure.À l’intérieur comme à l’extérieur, les matériaux (bois, métal, verre) sont dimensionnés avec une extrême précision et mis en œuvre telle de l’horlogerie suisse. Selon Piano, outre la mer, la seconde chose importante, à Santander, est la lumière. D’où ce bâtiment habillé de 270 000 disques de céramique couleur perle qui reflètent ladite lumière et jouent avec elle, tels les pixels d’un écran géant. « Je voulais un bâtiment qui flirte avec l’eau, dit Piano. Non pas une posture architecturale, plutôt un geste délicat pour la ville. » Santander, l’anti-Bilbao ?

 

À savoir
Le système de circulation mis en place entre les deux ailes du bâtiment a été baptisé « Pachinko » , du nom de ce jeu électronique japonais, croisement entre une machine à sous et un flipper. « Le mouvement des visiteurs entre les différents niveaux est aussi, pour moi, une des dimensions de l’architecture » , assure Renzo Piano.
 
À voir
Centro BotÁ­n, calle Muelle de Calderón 8, 39004 Santander (Espagne), rens. : www.centrobotin.org

 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°704 du 1 septembre 2017, avec le titre suivant : Piano sur l'eau

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